Par Gilbert Rocheteau
09.06.2009
L’Afrique toute entière rend un grand hommage au doyen des Chefs d’Etat africain, le Président gabonais El Hadj Omar Bongo Ondimba décédé le 8 juin dernier à Barcelone en Espagne de suite d’un cancer, selon l’information officielle relayée par les autorités gabonaises.
Comme on a coutume de le dire en Afrique après le décès d’un homme, c’est une grande perte pour le continent car voila c’est un Sage africain qui s’en va avec toute une bibliothèque laissant derrière lui d’épouvantails problèmes, un peuple et tout un continent désespérés après l’attente de son retour au bercail depuis son internement à la clinique Quiron de Barcelone au mois de mai dernier.
Qui était cet homme politique africain ?
Appeler doyen par les Chefs d’Etat africain, El hadj Omar Ondimba est né en 1936 au Gabon dans la province du Haut-Ogooué à Lewai qui a été depuis rebaptisée Bongoville. Il était issu d’une famille appartenant à l’ethnie des Batéké et Obamba.
Dès l’âge mineur alors qu’il n’avait que sept ans, il perd son père. Mais sa famille le soutient convenablement dans la poursuite de ses études ; ce qui l’amena à faire ses études primaires et secondaires au Congo, puis après son service militaire, il rejoint d'abord les services secrets français, puis l'entourage de Léon Mba, président du Gabon à l’époque tout en travaillant comme Commis des postes.
En octobre 1959, il épouse Patience Dabany, une jeune chanteuse qui lui donnera trois enfants.
Après l'indépendance en 1960, il devint vice-président et bras-droit de Léon Mba, avant de lui succéder après sa mort en 1967.
En 1968, il fonde le Parti démocratique gabonais, socle du monopartisme jusqu'en 1990.
En 1965, il entre dans la Franc-maçonnerie, se fait baptiser catholique et obtient une audience avec le Pape Paul VI.
En 1973, il se reconvertit à l'Islam sous les auspices du Guide de la révolution libyenne, le Colonel Mouammar Al Kadhafi et prend le nom d’El Hadj Omar Bongo.
Le vent de la démocratie occidentale qui secoua toute l’Afrique en 1990 l’obligea à abandonner le monopartisme à la suite de la conférence nationale qui le fit instaurer le multipartisme. Très bon animal politique, il se complaisait dans cette nouvelle reforme et pour garder son pouvoir et sa chaise, il sut à travers le temps de cette démocratie, jouer le jeu de l’occident particulièrement celui de la France de Jacques Chirac.
En 2004, il ajouta le nom de son père au sien et se fit désormais appeler Omar Bongo Ondimba.
Depuis l’avènement du multipartisme, le doyen Omar Bongo Ondimba a été réélu le 27 novembre 2005 avec 79,18 % des suffrages selon les résultats officiels.
L’Afrique a connu son fils comme quelqu’un de direct, quelqu’un qui ne passait pas par quatre chemins pour dire ce qu’il avait à dire que ce soit entre ses pairs africains ou avec le peuple gabonais ou même avec ses adversaires politiques sur la scène politique nationale gabonaise.
De la mort d’Edith à celui d’El Hadj Omar…
La mort a toujours une signification profonde en Afrique. On ne meurt jamais pour rien encore quand on s’appelle El Hadj Omar Bongo.
Avant de nous intéresser à la mort de notre Vieux, intéressons-nous d’abord à celle de la maman gabonaise.
C’est le 14 mars 2009 à 16h20 GMT, que la maman gabonaise et fille aînée du Président en exercice du Congo Brazzaville Denis Sassou Nguesso, Édith Sassou Nguesso, décède à Rabat au Maroc, à l'âge de 45 ans des suites d'une longue maladie.
Madame Edith Lucie Bongo Ondimba, est née le 10 mars 1964 à Brazzaville en République du Congo. Elle était titulaire d’un doctorat en médecine depuis 1989.
En août 1990, elle épouse le Chef de l’Etat gabonais. Une union qui fait du bien, la pluie et le beau temps entre les deux pays (le Gabon et le Congo-Brazzaville) et entre les deux grands amis de la Françafrique et Chefs d’Etat africain. Certaines langues s’étaient même aventurées à dire que le Congo-Brazza et le Gabon tendaient vers une fusion tant le degré d’amitié entre les deux peuples, étaient inviolables.
Très tôt, ces relations tombent dans la désuétude surtout à partir de 2005 où ca se dit sous les arbres la liaison que madame la Présidente aurait gardé avec un des dignitaires du régime de son père. Ce qui apparemment n’était pas du goût du Vieux car c’était là une haute trahison de son intimité.
Comme cela se dit toujours sous l’arbre, le Vieux aurait appelé son beau-père pour lui faire part du dessous de sa fille avec quelqu’un de sa cour ce qui n’aurait vraisemblablement pas arrangé les relations entre les deux amis, le beau-père prenant d’une manière évidente le côté de sa fille. D’où les relations tumultueuses de fin 2005 début 2006 entre les deux amis et ce serait là où serait partie la mort de la maman gabonaise. D’aucuns disent même que le Vieux aurait fermé le sort de sa femme puisqu’il n’arrivait plus à la contenir et qu’il aurait prévenu son beau-père.
Ce qui semble donné affirmation à ce « on dit » c’est que évidemment depuis 2006, Edith n’est apparemment plus réellement apparue sur la scène politique gabonaise pourtant elle était connue comme une femme disponible, forte toujours très proche de son mari et soutien indéfectible de celui-ci. Elle a été tour à tour hospitalisée en France puis au Maroc où elle a enfin rendu l’âme le 14 mars 2009.
Une mort qui ne devait pas être sans vengeance !
Il est clair que les choses ne devaient pas s’arrêter là. Et les politiques ont su jouer le jeu pour ne pas faire paraître l’histoire au grand jour. Mais ce qui était visible à l’œil nu, c’est l’absence de réelle cordialité entre les Présidents gabonais et congolais rendus à Rabat le 15 mars pour veiller le corps d'Edith.
Et depuis cette date, on n’avait plus vu les deux grands amis d’hier ensemble jusqu’à ce que celui-ci rende l’âme.
Edith a été inhumé au Congo et non pas au Gabon… ce qui a mon avis soulève bien des interrogations bien que les deux pays se sont expliqués sur cette raison : « A la demande de la famille Nguesso et dans le souci de s’en tenir au strict respect des us et coutumes «Mbochis», les familles Bongo Ondimba et Sassou Nguesso ont décidé, après concertation, que les obsèques se dérouleront au Gabon et au Congo et que l’inhumation se fera à Edu, terre ancestrale de feue Docteur Edith Lucie Bongo Ondimba » Gabonews du 17-03-2009.
Cette mort d’Edith a fait tellement mal au Président congolais Denis Sassou Nguesso au point où certains congolais se sont surpris sans s’en cacher. Il aimait plus que tout au monde sa fille sans doute peut-être parce qu’elle détenait nombreux de ses secrets ou parce que c’était elle le trait d’union entre le Gabon et le Congo ou parce qu’il ne fallait pas que ce soit elle… « Pourquoi Edith… pourquoi Edith? » lamentait-il ! On se demanderait toujours pourquoi… Serait-ce donc aujourd’hui la réponse ? En tout cas, l’histoire nous le dira.
La France est un couteau à double-tranchant.
Aujourd’hui en Afrique, c’est tout le continent qui en pâtit de l’absence de cet homme qui nous était si cher, surtout lorsque le continent fait face à des sujets épineux et qui nécessitent une décision martiale. Je veux évoquer des dossiers cruciaux comme celui de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Tchad, de la RCA, du Congo-Brazza et de la RDC sans oublier tant d’autres dossiers africains. Depuis les indépendances en 1960, il a été toujours là et en 1963, il a joué un grand rôle pour faire basculer le courant intégrationniste et entrainer l’Afrique vers l’OUA avec tous ses soubresauts.
Comme Houphouët Boigny, il a servi la France avec âme et passion.
Installé par Jacques Foccart, secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974, il s'était lié d'amitié avec de nombreux dirigeants français, de tous bords, et a été reçu à l'Elysée par Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac et plus récemment Nicolas Sarkozy sans compter quelques rencontres avec certains hommes politiques français dont Jean-Marie Le Pen et François Bayrou.
Le Gabon est militairement lié à la France par des accords de défense aux clauses secrètes; cette dernière y stationne par ailleurs en permanence plusieurs centaines de soldats d'élite.
Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy aux affaires en 2007, la France n’a pas manqué un seul instant de jeter l’opprobre sur cet homme qui a sacrifié l’Afrique pour élever haut la France dans le monde.
D’abord avec l’ex-secrétaire d’Etat à la Coopération Jean-Marie Bockel pour qui, il était temps de signer l’acte de décès de la Françafrique qui a longtemps écumé les populations africaines et noircit le pillage sur les ressources naturelles du continent.
La réaction du Président gabonais sur les velléités du Président français et de son gouvernement avait suscité un émoi chez ses pairs de la Françafrique, ceux-là que la jeunesse africaine culpabilise pour être complices du pillage des biens du continent au détriment de la France lorsque le Vieux jugeait les propos de Jean Marie Bockel d’arrogants et irrespectueux des partenaires.
Jean Marie Bockel venait de porter là un sérieux coup au continent noir même si quelques temps après il était évincé contre Alain Joyandet. Les media français depuis lors ont trouvé la boîte de pandore pour leurs informations dont les grands titres visent Bongo, Sassou, Obiang etc… comme pour signifier que ces dirigeants africains étaient devenus des parias aux yeux de la France de Sarkozy.
D’où les grandes humiliations du Président Bongo sur la place publique internationale entre autres :
* En janvier 2008, le journal Le Monde révèle la liste des biens mal acquis supposés en France du président gabonais et de sa famille... plus de 33 appartements et hôtels particuliers équivalent à plus de 150 millions d'euros. Ces informations sont issues de l'enquête de la police française qui faisait suite à la plainte déposée en mars 2007 par trois associations françaises (Survie, Sherpa et la Fédération des Congolais de la Diaspora) pour recel de détournements de fonds publics.
* Le 13 février 2009, Omar Bongo Ondimba voit certains des comptes bancaires qu'il détient en France saisis par la justice française, conformément à une décision de la cour d'appel de Bordeaux. Cette décision intervient suite à une affaire d'escroquerie aux dépens d'un chef d'entreprise français. Ce dernier, en différent commercial avec le président gabonais, a été emprisonné au Gabon en 1996, et sa famille a dû verser une somme de plus de 450 000 euros à M. Bongo pour le faire libérer, versement « indu et soumis à restitution » selon la justice française.
* Le 30 mars 2009, ouverture d'une enquête sur des comptes qui appartiendraient à Édith Bongo, soupçonnée d'avoir servi de prête-nom à Omar Bongo et Denis Sassou Nguesso auprès de plusieurs établissements bancaires, afin de dissimuler des capitaux provenant de détournements de fonds publics à Monaco, enquête qui fait suite au courrier de l'association Sherpa au prince Albert II et au procureur de Monaco demandant l'ouverture d'une information judiciaire et le gel des avoirs financiers à Monaco d'Édith Bongo.
La France sur Sarkozy à travers ses actions faisait comprendre très bien aux peuples africains qu’elle n’a pas de sentiment et que tout ce qui l’intéresse c’est son intérêt, peu s’en faut les bienfaits qu’un individu fut-il noir aurait fait pour rendre service à la puissance coloniale, elle reste et demeure un couteau à double-tranchant qui ne saurait hésiter de faire des ravages puisqu’à droite ou à gauche, il n’y a qu’une solution unique: Préserver les intérêts de la France quoiqu’il vaille !
Au demeurant, la mort du Président gabonais nous interpelle. Surtout les fauves de la vie politique nationale et africaine. Le doyen meurt mecontent et trop déçu de la France dont on ne sait si elle rétrocédera au Gabon, tout le bien matériel et financier qu’il détenait là-bas.
Le doyen meurt loin du Gabon, loin du continent dans un pays situé dans la zone tampon entre la France et le Maroc. Sa mort était restée jusque-là une devinette car ni l’Espagne ni le Gabon ne voulait prendre le risque d’informer au quotidien de l’état de sa santé. N’eurent été les medias français qui tentaient de créer la polémique pour susciter l’opinion publique pour savoir de l’évolution de sa santé, ca serait resté un Mystère bien que l'alibi recherché par ces media était faire un mea culpa de leurs agissements.
De tous ces hommes d’Etat africain qui sont morts sous mes yeux, nul d’entre-eux n’est parti à cœur joie avec la France. Et pour le doyen Omar Bongo, c’est encore trop blessant aussi longtemps que le peuple africain ne réagissait pas sur le stationnement de la force mobile française au Gabon à cause du respect qu’on lui devait.
Omar Bongo Ondima, lâché par la France de la Françafrique.
Primo, l’homme qui a tant servi la France - des services secrets à la politique française en Afrique, du service rendu à la France dans le pillage des ressources gabonaises et au-delà africaines à sa servitude dans la franc-maçonnerie, du financement occulte des campagnes électorales en France - a lui-même, dans ses derniers jours compris qu’il ne pouvait pas compter sur ce pays qui l’avait placé à la tête de l’Etat gabonais depuis 1967. Il a pris tous ses égards pour partir mourir loin de la France, dans un pays qui n’a presque pas d’histoire avec le Gabon.
Secundo, le peuple africain, en fait la nouvelle génération a su depuis 1990 qu’elle ne pouvait plus jamais compter sur la France et qu’il fallait donner le temps pour que ces vieux maniaques de la politique françafricaine de la France en Afrique quittent le devant de la scène pour qu’ils règlent leurs comptes avec la France. Et l’exemple de la Côte d’Ivoire n’a échappé à l’œil de personne. La mort du doyen africain en Espagne peut une fois de plus témoigner de la haine qu’on peut avoir de la France lorsqu’on a passé son temps, toute sa vie et toute sa carrière comme Senghor à élever au panthéon de l’histoire, la France orgueilleuse auréolée par son histoire de colonisation sur le continent noir.
Tercio, il reste que le départ du Vieux augure la fin d’une époque. L’époque de la gloire de la France en Afrique. Autant je dis au doyen africain que son âme repose en Paix, autant j’appelle ses pairs de l’Afrique à utiliser le peu de temps qui leur reste pour construire des grands hôpitaux et des grandes cliniques dans nos pays car c’en est de trop, j’ai honte que nos hommes d’Etat qui ont fait la pluie et le beau temps sur le continent tant en bien qu’en mal, continuent d’aller en hexagone laisser leurs restes. Cela coûte tellement cher aux contribuables le rapatriement des corps vers nos sols surtout que jamais dans l’histoire, aucun des dirigeants des pays colonisateurs n’est décédé en dehors de son pays. Il faut que cela cesse en Afrique !
Quarto, j’adresse mes sincères condoléances à tout le peuple gabonais, à mes amis de Libreville qui avaient tellement d’estime pour leur Président. Il était pour le Gabon plus un père qu’un Président et savait être à l’écoute du peuple. C’est ce qui faisait qu’on dise de lui, d’un homme direct. Le plus difficile est à venir mais la nation gabonaise ne tombera pas sur les tentations de l’empire français qui depuis quelques temps semblent ne rien contrôler sur place à Libreville et cherche quoi que vaille à créer la tempête. Le peuple devrait être trop vigilent car c’est le moment où plus que jamais il doit être attentif et prêt à combattre le colon et tirer le diable par la queue pour rendre ici un hommage à l’endroit du très engagé et illustre musicien Alpha Blondy!
-----------------------------------------
Quelques repères.
* Gabonews le site Internet gabonais du 17-03-2009
* Françafrique: La rupture en débat, Par Marianne ENAULT, Le JDD.fr Vendredi 18 Janvier 2008
* http://fr.wikipedia.org/wiki/Omar_Bongo_Ondimba#Biographie