jeudi 8 septembre 2011

Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur Jean Ping, Président en exercice de la Commission de l’Union africaine.


Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur Jean Ping, Président en exercice de la Commission de l’Union africaine.


Monsieur le Président;
Je viens par la présente lettre vous exprimer, en tant qu’Africain soucieux du devenir de l’Afrique, mon indignation quant à votre politique au sein de la Commission de l’Union africaine. Cette indignation fait référence à votre gestion des deux crises majeures de ces derniers mois auxquelles votre commission a eu à faire face, la première la crise en Côte d’Ivoire et la seconde, en Libye  dont elles se sont soldées par des assassinats de masse, la deshumanisation de l’homme africain, de violentes répressions voire de graves violations de droit de l’homme et surtout l’humiliation flagrante d’un chef d’Etat africain et de son épouse, des personnes avec qui vous avez eu des relations fortes.
Je voudrais avant de porter mes observations sur votre politique, revenir sur mon rêve africain mon rêve pour l’Afrique, mon rêve d’être fier d’être noir comme je suis, dans ma peau et heureux de vivre et souffrir sur mon continent et que depuis votre gestion des crises sus-citées, je le vois brisé.
Le lancement de la création de l’Union africaine à Syrte le 9 septembre 1999 était pour moi le début du rêve africain. Je me suis dit, voila enfin, l’Afrique va se libérer du joug de la colonisation et de l’humiliation inimaginable dont elle fait l’objet par les puissances impérialistes. C’était pour moi aussi, le rêve de la fin du folklore africain des rencontres de l’OUA animés par les administrateurs africains de la France en Afrique. Je pensais comme mes amis des mouvements de la jeunesse africaine déjà à une organisation  décolonisée, forte et jouant le rôle d’union entre les peuples du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de l’Afrique pour une ouverture réelle de l’Afrique sur le monde, pas par des images pathétiques de la misère, de la disette et des maladies sulfureuses mais par son poids économiques et sa bonne gestion des ressources naturelles pour satisfaire le rêve de toute notre génération, celles qui nous ont précédées et de celles à venir et, faire aussi que nous soyons joyeux, contents, fiers d’appartenir à l’Afrique comme nos frères et sœurs d’Europe, du Canada, d’Amériques et d’Asie. Je rêvais voir enfin que cela cesse la mort volontaire de mes frères et sœurs qui tentent à longueur de l’année l’aventure de la traversée de la méditerranée pour une vie meilleure en Europe ou se donnent en repas aux requins de la méditerranée. C’était cela mon rêve ! et je ne suis pas resté à ce stade j’ai œuvré et milité pour la renaissance africaine et de l’un de mes combats, ce fut la Charte de la jeunesse africaine dont j’ai avec mes amis de la jeunesse africaine jeté les bases à Bamako au Mali en 2005 et qu’elle traine aujourd’hui dans les administrations africaines sans effets réels, peut-être en document de bibliothèque.
Pour être honnête, monsieur le Président, depuis votre arrivée à la tête de l’Union africaine, tous mes amis combattants pour une Afrique unie se sont reculés et ont perdu l’enthousiasme d’avec votre prédécesseur. J’ai résisté, je suis resté sur les lignes à espérer que vous combleriez nos attentes avec votre esprit de grand diplomate, de visionnaire, d’homme à actions lentes mais à grands effets. Aujourd’hui, je rejoins le camp de mes amis qui ont quitté le bateau au même moment que le Président Alpha Omar Konaré. La crise en Côte d’Ivoire et puis en Libye me laissent comprendre que votre agenda et celui de l’Afrique sont opposés.
Monsieur le Président ;
Prouvez à l’Afrique que vous avez des bonnes intentions et que celles-ci sont réelles. Dites-nous que les Etats-Unis d’Afrique c’est pour demain. Dites-nous que nous sommes prêts pour la monnaie unique africaine, pour une armée africaine, un parlement réel africain, pour une identité unique en Afrique, la circulation des personnes et des biens du nord au sud de l’est à l’ouest. Donnez-nous des perspectives. Expliquez-nous pourquoi nos frères et sœurs sont morts en Côte d’Ivoire, dites-nous où sont passés le Président Laurent Gbagbo et son épouse. Parlez aux peuples d’Afrique, expliquez-leur leur futur, faites-les rêver, dites-leur où vous aboutirez au terme de votre mandat et expliquez-leur pourquoi tous ces morts en Côte d’Ivoire et en Libye et qu’est-ce que vous faites pour eux. J’ai des soucis immenses, des questions qui m’abondent et je voudrais que vous me donnez satisfaction et par-là, à toute la jeunesse africaine.
Monsieur le Président ;
Vous revenez de Paris où vous avez participé au sommet du Groupe de contact sur la Libye aux côtés du Président Sarkozy et tous ceux qui bombardent la Libye, donc l’Afrique. Vous avez été satisfait des résultats de la rencontre et au final, vous avez dressé votre bilan à travers votre communiqué de presse par la voie du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine. Vous êtes désormais heureux de recevoir à Addis-Abeba, les membres du CNT, Conseil National de Transition libyen, siégeant à côté des présidents africains et des dignes fils de l’Afrique comme Robert Mugabe. Vous êtes très satisfait !
La Commission de l’Union africaine est vraiment dans une impasse. Elle ne sait même plus ce qu’elle veut vraiment. Elle n’a même plus d’horizon. Elle semble être à l’image de l’OUA. 
Au demeurant, le Président de l’Union africaine a totalement oublié qu’il s’était opposé à se rendre à Paris au mois de Mars 2011 lors de la première réunion de Paris qui a jeté les bases de la destruction de la Libye souveraine.
Quelques jours après les pluies de bombes qui se sont abattues du 19 au 22 mars 2011 détruisant tout l’arsenal militaire de la Libye et tuant de centaines d’innocents civiles libyen, le Comité ad hoc de Haut niveau de l’Union africaine dont fait partir Monsieur Jean Ping, Président de l’Union africaine, a été interdit de survoler l’espace aérien libyen par ce groupe de contact sur la Libye dirigé par la France, pour rencontrer leur homologue Kadhafi pour discuter de la mise en œuvre de la feuille de route de l’Union africaine. Les Africains, nos Chefs d’Etat en exercice, sont interdits de survoler leur propre espace aérien, sur leur continent…
Quelques semaines après, ce comité ad hoc a reçu l’autorisation minutée du Groupe de contact sur la Libye pour visiter la Libye et présenter sa feuille de route aux deux parties en conflit. Monsieur le Président, souvenez-vous de votre communiqué, vous avez exprimé votre quiétude sur la position de la Libye et de votre  ami Kadhafi de respecter la feuille de route de l’UA et de se mettre à l’écart de toute discussion et de l’autre côté, vous avez exprimé votre regret.
En effet, le regret était le langage diplomatique mais vous n’avez pas exprimé votre colère sur la façon dont vous avez été brutalisés à l’aéroport Begnin de Benghazi lorsque les renégats du CNT vous ont traité de nègres et que si vous tardiez sur leur sol, ils devaient en découdre avec vous comme ils l’ont fait dès le début de leur soi-disant révolution en égorgeant en pleine rue des Noirs comme vous. Sur les images des chaines de télévision, nous avons assisté au lynchage de votre véhicule par ces racistes, islamophobes et criminels de Benghazi donc du CNT.
Vous vous êtes opposés avec votre commission depuis le mois de février 2011 à toute intervention extérieure en Libye. Vous avez martelé cela à multiples reprises que la Libye est sur le sol africain et que c’est l’UA qui doit régler la crise libyenne. Les rencontres d’Addis-Abeba de mai 2011, de Malabo de juin 2011 confirme les positions régulières prises par l’UA et tous les Chefs d’Etat africain.
Avez-vous été une seule fois, entendu?
La supra-organisation africaine a été humiliée par la petite Ligue arabe et c’est sa décision qui a eu gain de cause et la Libye est passée de No Fly Zone, en champs de bataille et de ruine et, aujourd’hui la Libye est orientée dans une guerre durable dont les conséquences vont s’étendre dans les mois et années à venir sur toute l’Afrique et le cycle infernal de la colonisation va reprendre.  Que diriez-vous de votre bilan de passage à l’Union africaine ? Que c’est vous qui avez libéré la Libye ? La Côte d’Ivoire des dictateurs sanguinaires comme le peignent les génocidaires de notre continent que sont la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis d’Amérique qui n’ont pas toujours demandé pardon pour les millions de nos frères et sœurs, de nos grands-parents et aïeux qu’ils ont décimés et contraints à l’exile.   
Votre désir actuel de vouloir engager un processus de reconnaissance du CNT au sein de l’UA et par les Etats membres de l’Union africaine est un dénis de justice pour les victimes libyens, étrangers et africains morts innocemment sur le sol libyen dans un conflit national et une guerre internationale lancée par les pays impérialistes qui préservent leur intérêts sur l’Afrique que vous auriez pu éviter en  mettant en valeur l’Afrique, votre organisation, en imposant aux Etats-membres siégeant comme membres non permanent au Conseil de sécurité de s’abstenir de tout vote contre un pays africain quel que soit le sujet comme les pays permanents qui y siègent se font entre eux. 
Vous voulez ignorer que ces gens du CNT ont ruiné la vie des milliers d’africains, des enfants et des femmes qui vivaient en paix en Libye depuis plus de trois décennies, qui n’ont eu pour Libye que leur vrai pays et qui du jour au lendemain, se retrouvent sans repères. Voulez-vous ignorer que ces renégats et clowns libyens affichés  par monsieur Sarkozy viennent de commettre un génocide sur nos frères et sœurs libyens, noirs libyens et sub-sahariens que vous avez rencontrés pendant cette crise lors de vos précédents séjours en Libye à Bab el Aziziya la demeure du Guide libyen en les traitant de mercenaires de Kadhafi. Voulez-vous ignorer que vous devez en tant que premier africain, leur demander des comptes et lancer une enquête sur les disparus libyens et étrangers. Avez-vous ignoré votre très cher ami Kadhafi que vous consultiez à bout de champs sur les questions africaines ? Avez-vous oublié tout le soutien qu’il vous a apporté à votre candidature à la tête de l’UA ? Lui avez-vous poignardé derrière le dos comme l’a déjà fait l’un de ses amis président de l’UA… Où est passé le rapport de la Commission d’Enquête conjointe Union africaine et Parlement africain que j’ai personnellement reçue dans mon bureau à Tripoli ? Sur quelle base l’UA devrait se fonder pour recevoir le CNT à Addis-Ababa… élu par le peuple libyen ? Une émanation du peuple libyen ? Et la feuille de route de l’Union africaine, où est-elle ?
Monsieur le Président, quelle histoire voulez-vous laissé à la postérité africaine ?
Pour le moins, je vous fais tenir le rapport trimestriel de la Commission d’Enquête Non-gouvernementale que j’ai eu le privilège de gérer et j’ose espérer qu’il pourrait vous être utile.
L’Afrique va très mal. Et la Commission de l’Union africaine semble ignorer qu’elle doit donner des comptes aux peuples africains sur ses actions. L’Union africaine n’est pas seulement pour les Chefs d’Etat africain, c’est pour tous les africains, pour nous, pour tous ces africains déportés de gré ou de force que vous avez reconnus au sein de la 6ème région d’Afrique. A nous tous, vous devez des comptes. Aussi longtemps vous nous ignorerez, nous jetterons les bases d’une nouvelle Afrique différente de celle que vous percevez mais de celle que nous, Africains de l’intérieur et de l’extérieur, percevons. Nous voulons la liberté, la décolonisation, le retrait de l’Afrique des organisations internationales qui ne nous honorent pas, qui ne nous reconnaissent pas, qui nous méprisent. Nous refusons toute subvention extérieure et nous voulons l’Afrique pour nous Africains.
La jeunesse africaine dont je fais partie vous demande de lancer un forum de discussion sur le site de l’organisation pour donner une tribune libre aux Africains de toutes couches confondues. Nous vous demandons de sortir des arcannes de l’administration pour être plus prêt de nous. Ne démesurez pas notre silence car notre prochaine révolution ne sera pas annoncée.
Vous souhaitant bonne réception, je vous prie d’agréer, monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.


Gilbert NKAMTO
- Secrétaire général du Mouvement Démocratique Panafricain pour la Renaissance (MDPR)
- Co-Coordinateur de Synergie Jeunesse Afrique
- Membre partenaire du Réseau RAPAD-CEMAC