Par Gilbert Rocheteau.
Dr. Charles Ateba Eyene |
Une mort - une tragédie
Depuis le 21
février 2014 que, comme tout camerounais, j’entendais courir la rumeur selon
laquelle Dr. Charles Ateba Eyene venait de rendre l’âme au CHU de Yaoundé
(Centre Hospitalier et Universitaire de Yaoundé), c’était pour moi trop brut
pour être vrai.
Primo parce que
mon attention était dirigée sur la Côte d’Ivoire où certaines sources avançaient la nouvelle du décès du Président
Ouattara depuis la France et ensuite parce qu’il n’y avait pas de signes
avant-coureurs qui pouvaient indiquer dans la société camerounaise l’imminence
d’une telle tragédie pour le Cameroun. Car Charles Ateba, incarnait pour
beaucoup, la Voix des Sans Voix.
Je parle de ‘tragédie’ tout comme ce fut à une époque Kotto Bass et
Marc-Vivien Foé.
Kotto Boss, le majestueux guitariste |
Le guitariste extraordinairement aimé par la masse populaire
camerounaise, Kotto Bass, la nuit du 19 au 20 novembre 1996 tombait sous les
drapeaux de la culture camerounaise pourtant il venait ainsi d’entamer la colline
de sa carrière d’artiste. C’était un choc, la société s’en était émue et
c’était aussi, la fin d’une gloire qui n’avait même pas encore commencé.
Marc-Vivien Foé |
Aujourd’hui, c’est Charles Ateba Eyene, qui laisse la masse populaire
camerounaise orpheline de sa pensée libérale et audacieuse.
Au demeurant, je n’ai personnellement pas connu la personne de Charles.
Je ne le connais pas pour dire vrai mais j’ai été depuis 2012 touché dans la
profondeur de mon âme pour ses positions révolutionnaires, ses attaques
directes et froides contre ses camarades du parti dans lequel il était l’un des
fervents militants, chose qu’on trouve très rarement chez nos compatriotes
tellement la peur au ventre confisque coutumièrement les idées audacieuses qu’ils
engrangent en eux.
Chaque Africain en général, et en
particulier chaque citoyen issu des pays africains du Congrès de Berlin, a une orientation personnelle et une personnification de son existence. Est-ce
que je ne le dis pas très souvent, « La Pensée est synonyme de
l’Action. En refusant de penser, de consacrer son énergie cérébrale pour
participer à la marche du monde, c’est faire abstraction de soi au monde, à ce
qu’être un sujet ontologique, c’est exister...».
Pour moi, j’ai
fait de l’Afrique ma pierre angulaire, mon sacrifice existentiel et j’ai
longtemps refusé de m’ingérer ou de m’intéresser des questions intérieures, d’un
pays africain peau de panthère, fut-ce mon propre pays parce que j’ai jugé, à
titre personnel, que mon combat n’y était pas ; il est celui de la
libération de l’Afrique des mains de ces êtres vivants qui pensent que
l’humanité entière leur appartient. Pour moi, une Afrique continentale à la
chinoise serait la fin de mon histoire, mon rêve le plus extrême et le plus absolu.
Scène de crime du journaliste Jules Koum Koum |
Chez Ateba
Eyene, c’était d’abord le Cameroun débarrassé du clientélisme, des sectes, des
pratiques mafieuses de gestion du bien public, des pratiques de sorcellerie qui devenaient déjà le quotidien des camerounais,
trop pesant et trop ridicule pour un pays qui se veut la locomotive d’une
Afrique centrale (en pleine décapitation). Il était sur un pied de combat comme
avant lui le Cameroun a connu le journaliste Jules Koum Koum qui dénonçait déjà
les sectes et les réseaux mafieux. On se souvient que celui-ci était tragiquement
mort écrasé par un grumier. On peut penser aussi à l’écrivain Mongo
Beti ou au Cardinal Christian Tumi qui continue de mener ces combats.
Dr. Charles, ce
jeune homme, vaillant, téméraire, opiniâtre savait du fond de son cœur qu’il
avait bien avant pactisé avec le diable mais qu’il avait fait un repenti public
et un mea culpa (sortir de la caverne) pour s’engager sur la voie de la
dénonciation, de la mise sur le marché public des grands fléaux qui ne font pas
avancer le Cameroun vers la voie de son émergence telle que souhaité par le président
national de son parti, notre Président de la République M. Paul Biya.
A lui tout
seul, il s’était mis contre lui et portait en lui seul le fardeau de sa guerre
contre les sectes, la sorcellerie ouverte exposée dans les cités camerounaises,
et surtout l’évasion financière vers les paradis bancaires étrangers par les
hobereaux du régime de son mentor.
Depuis 2012 si
je m’en tiens à ce que j’avais retenu de lui lors de son passage sur une chaîne
de télévision privée camerounaise, il investiguait sur les comptes bancaires
de certains hauts dignitaires de la république avec son armée électronique, aujourd’hui
en moins d’un an, le voilà qui voyage dans les ténèbres, emportant avec lui le secret
de ses enquêtes qui aurait peut-être permis à l’Etat du Cameroun de ramener
quelques milliards de nos francs qui font la beauté et la fierté de l’économie
de nos donneurs de leçons de démocratie et de bonne gouvernance.
Pourquoi la jeunesse camerounaise ne s’interrogerait-elle pas sur les
causes de sa mort ?
Les premiers
diagnostiques révèlent que Dr. Charles Ateba Eyene souffrait d’une insuffisance
rénale.
On s’est très
bien qu’au Cameroun, quelqu’un de l’envergure de Charles ne mourrait pas d’une
telle maladie déjà parce que pour lui, il était à l’abri du besoin ; aussi
il n’est pas question de moyens insuffisants ou limités pour son traitement, il
en avait à suffisance et ensuite parce que, une telle maladie trouverait un
traitement quelle que soit la dimension du traitement qu’il devait suivre.
Il est bien
évidemment à prendre en compte que la personne, est un être vivant, et qu’il est
ou était vulnérable comme tous les autres vivants et qu’il pouvait succomber
d’une mort quelles que soient les circonstances lorsque c’était
« écrit », il doit mourir ce jour… même si je suis un peu très éloigné
de cette idée de la fatalité.
Pour la plus part
de jeunes que j’ai rencontrés depuis l’annonce de ce décès, il ne fait l’idée
d’aucun doute, Charles Ateba comme ils l’appellent, « est mort pour eux »,
parce qu’il a osé combattre les poids lourds du régime et ceux-là ont décidé de
lui faire payer… d’ailleurs, ne disait-il pas de son vivant : "je
veux mourir pour les miens d'abord avant de songer mourir pour le bien de tout
le monde. Ma mort sera la contribution que je souhaite apporter au changement
de ce pays. Nous devons bâtir un pays indestructible qui va lutter pour le bien
de tout le monde; un pays patriotique riche et non égoïste, sorcier, sectaire
et tribaliste... » Et que je cite aujourd’hui aussi Sandi Bilong
sur le réseau social Facebook, sa page d’accueil « c'est bien
dommage, ce départ subit de Charles… je l'ai déjà dit et je le redirai
toujours. [Ils] ont tué Charles Ateba. Ces sorciers, ces buveurs de sang et
mangeurs de chair humaine, ces adeptes du culte du diable, ces fils et filles
de Lucifer, ces disciples du diable ont eu raison de Charles Ateba. [Il] avait
bien voulu les combattre, mais, comment combattre quelqu’un avec qui tu manges
tous les jours, comment combattre celui avec qui tu dors dans le même lit?
Charles voulait combattre ces fausses élites du sud oubliant qu'il était très jeune
dans un groupe trop vieux. (…) [Ils] n'ont pas accepté l'arrogance de cet
enfant et sa franchise. [Ils] ont voulu le faire partir du comité central et
ont croisé le fer avec Semengue [le général Pierre Semengué, ex-chef d’état
major de l’armée camerounaise] son oncle. il fallait trouver un autre moyen et
lequel? La lâcheté. Oui, je dis bien la lâcheté, car ils ont tous peur de la vérité.
Voila le crime de Charles Ateba… ». C’est tout dire
l’hystérie collective qui va s’en suivre jusqu’à l’enterrement prévu pour le 29
mars 2014 de ce jeune compatriote mort sous les couleurs pour sa lutte contre
le braconnage politique au Cameroun.
Charles Ateba Eyene, fort soutien du Président Paul Biya.
Le Président
Paul Biya, Président du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC),
est, quoi qu’on dise tout de lui, l’homme qui a su fabriquer une jeunesse camerounaise
battante avec un style tout aussi particulier. De cette jeunesse est issue le
jeune Charles Ateba (42 ans, reste à confirmer), qui mordicus et jusqu’à
l’annonce de sa mort le 21 février dernier, lui vouait tout attachement.
Son combat
était articulé et résumé autour du Président Paul Biya. Toutes ses dénonciations
étaient mises en avant pour le dédouaner de quelques maux graves dont souffre
le Cameroun. On se pose bien la question
de savoir pourquoi le père de la nation n’aurait-il pas été un père protecteur
de Charles quand on sait, que lui-même sait que cet enfant de son système
devait être la cible potentielle de certaines personnes influentes autour de
son régime.
Je ne saurais
continuer - au hasard - à plancher sur un sujet aussi sensible que celui-ci
mais qui touche la discrétion du Chef de l’Etat camerounais quand on sait que,
le père de la nation camerounaise qu’il a su bâtir de ses mains depuis 82, a
une manière particulière et singulière de soutenir la jeunesse qui lui est
fidèle.
Est-ce que le Président
de la République pouvait faire autrement si effectivement, il était écrit dans
l’agenda céleste de Charles, que « Charles, tu Me Retourneras ce 21
février 2014 »… Charles aurait été de cette jeunesse qui ne recule pas,
même au péril de sa vie et en se sacrifiant pour son pays, s’est sacrifié pour
sa propre famille laissant une progéniture malheureuse mais qui est et sera fière
d’avoir vu un père combatif, héroïque et irréversible.
Cette mort émouvante
de Charles devrait faire penser le Président de la République du Cameroun, que
le pire est à venir car Charles incarne de nombreux autres jeunes que certaines
personnes n’acceptent pas facilement en eux l’émergence d’une pensée
contradictoire… d’autres jeunes sont sur la liste, Dr. Owona Nguini Mathias, Dr.
Hilaire Kamga, Patrick Psapack, Banda Kani, Dr. Alain Fogué Tédom et bien
d’autres dont je ne peux citer le nom peut-être par oubli mais qui incarnent
l’avenir d’un Cameroun futuriste mais que les hobereaux du système souhaitent
voir taire à jamais.
C’est cette
nouvelle élite que le Président Paul Biya devrait protéger et derrière elle, protéger
l’ensemble de la jeunesse camerounaise qui est « le fer de lance de la nation »
le disait-il dans l’une de ces allocutions à l’adresse de la jeunesse de son
pays.
Qui était Charles Ateba Eyene ?
news.mboa.info écrivait
sur son site internet le 15 mars 2013 que, Charles Ateba Eyene est un
individu pluridisciplinaire et fort actif sur tous les fronts. Il est un acteur
de la vie politique et intellectuelle les plus en vue de sa génération. Connu
pour ses livres engagés et parfois polémiques, est aussi reconnu comme un
membre très actif du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc),
le parti politique au pouvoir pour lequel il est encore l'un des
communicateurs. Avec les élections sénatoriales qui connaissent leur grande
première au Cameroun, Charles Ateba Eyene n'a pas hésité à se présenter devant
les médias comme candidat au Sénat du Cameroun où il compte amener des «
révolutions » comme l'on lui connait.
Auteur de plus
de 15 livres ayant connus les uns les autres un succès franc, Charles Ateba n'a
vraiment jamais couvert d'éloges les éditeurs nationaux qui pour lui ont des
lacunes : manque de professionnels, de comité de relecture, de moyens... Mais,
il précise que c'est grâce à la vente de ses livres qu'il gagne aisément sa
vie, bien qu'il soit également fonctionnaire du ministère des Arts et de la
Culture.
Mais c'est dans
les années 1970 que Charles nait d'une mère ménagère et d'un père qui était un
technicien des eaux et forêts à l'Est du Cameroun au sein d'une famille
polygamique pas aisée. Après ses études primaires, Charles devient un acteur
très prolifique sur le plan estudiantin. Il cumule à son actif plusieurs
diplômes notamment un doctorat en Communication Politique ; une licence en
Lettres Modernes Françaises, un diplôme en Inspection de la Documentation...
Par contre son
goût pour la politique lui est impulsé par son père - jadis membre du Rdpc.
Charles forge ses armes lors des ses études secondaires et universitaires où il
séduit de par ses discours, son éloquence et sa franchise. Justement ce dernier
caractère lui a conféré souvent quelques foudres directes. Dans l'un de ses
ouvrages il a dénoncé ce qu'il a qualifié de micro-tribalisme du Paul Biya,
parlant de la balkanisation de la région du Sud. Dans son livre « Le Cameroun
sous la Dictature des Loges, des sectes, du magico-anal et des réseaux
mafieux...», il a accroché la franc-maçonnerie du Cameroun ; ce qui lui a valu
de vives critiques tant des franc-maçons, de la presse que d'acteurs
politiques. Dans « Les paradoxes du pays organisateur », Charles « tape » sur
les élites qui profitent du régime en place, ne voulant pas perdre leurs
privilèges et leurs postes, mettent des « moyens » pour y parvenir.
Malgré
certaines controverses sur sa personne, Charles Ateba Eyene reste une
personnalité assez appréciée des jeunes ; ce qui lui a d'ailleurs valu d'être
été élu en 2012 comme étant la personnalité préférée des camerounais par le
Groupe Multimédias Presse Force One à travers les numéros de l'annuaire
téléphonique, choisis au hasard dans les dix régions sur un échantillon de 2000
citoyens, conformément aux référentiels scientifique des instituts d'étude
d'opinion TNS-Sofres et BVA.
A la famille du Dr. Charles Ateba Eyene…
Patience à la
famille du défunt, patience aux progénitures de Dr. Charles Ateba Eyene, au
lieu d’adresser à cette famille mes condoléances, je dis ‘Honneur à Charles
Ateba Eyene’ et ‘Vive le Cameroun’, car c’est sur le terrain du combat qu’il
est tombé. De sa maladie, qu’elle ait été normale ou provoquée, Charles est
tombé sur le champ de l’honneur en défendant de l’intérieur notre pays.
Il n’est pas
mort vainement, il est mort pour un combat loyal et il entre à jamais dans l’histoire
du Cameroun, notre beau pays.
Charles, bravo ! C’est ma manière à moi ici de te rendre hommage… Que la Terre de nos Aïeux te soit légère !