jeudi 27 mai 2010

L’accord irano-turco-brésilien : un tournant dans les relations internationales ?

 par Mohamed Tahar Bensaada 
24 mai 2010

Même si la manœuvre américaine visant à imposer une nouvelle vague de sanctions contre l’Iran risque de passer avec l’aval des autres membres permanents du Conseil de sécurité, la déclaration commune irano-turco-brésilienne au sujet de la proposition d’échanger l’uranium enrichi iranien en territoire turc constitue un tournant non négligeable dans les relations internationales.

En effet, pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, deux nations émergentes du sud se distinguent de manière spectaculaire sur la scène internationale en prenant franchement leur distance à l’égard des grandes puissances sur un dossier particulièrement épineux ayant pour théâtre la région explosive du Moyen Orient.

Pour bien mesurer l’importance de ce tournant diplomatique, il ne faut pas seulement considérer le résultat à court terme. Les enjeux stratégiques et diplomatiques à moyen terme sont autrement plus significatifs surtout si on les rapporte aux tendances profondes qui travaillent l’ensemble de la région et contribuent ainsi à restructurer son espace géopolitique de manière contradictoire et instable.

Un tournant diplomatique

En politique internationale, les faits et les intérêts importent plus que les sentiments et les arrière-pensées des acteurs diplomatiques. Le fait que la Turquie et le Brésil se soient avancés sur un terrain glissant en se portant garants d’une possible solution diplomatique négociée à un problème aussi épineux constitue en soi un évènement diplomatique d’une grande portée. D’une part, il permet à l’Iran d’enregistrer une victoire diplomatique même si celle-ci risque malheureusement d’être annihilée par l’intransigeance américaine.

En effet, en mobilisant à ses côtés deux grandes nations du sud qui passent pour être amies des USA (la Turquie est membre de l’OTAN et entretient des relations privilégiées avec Israël, le Brésil est quant à lui engagé dans un vaste programme d’intégration industrielle et militaire avec son grand voisin du nord), l’Iran a su montrer qu’il n’était pas si isolé sur la scène internationale et que son intransigeance apparente sur ce dossier ne fait que refléter l’aspiration légitime et commune à toutes les nations du sud à un développement de capacités technologiques et nucléaires à des fins civiles.

D’autre part, cet évènement permet de voir sous un angle nouveau la politique suivie par les nouvelles puissances régionales émergentes au sud. Ce n’est pas parce qu’elles ne reproduisent pas le schéma dissident du Venezuela de Chavez que ces puissances ont abdiqué leur rôle international et abandonné leurs intérêts stratégiques.

Contrairement à une lecture superficielle, la scène internationale est d’une telle complexité qu’elle permet désormais une certaine marge de manœuvre à des acteurs moyens qui ne sont pas obligés d’adopter une ligne de rupture radicale à l’égard de la superpuissance américaine pour affirmer leurs intérêts propres. Mieux, c’est parce qu’elles entretiennent une relation de coopération privilégiée avec les USA et avec les Etats dissidents comme l’Iran que ces puissances moyennes ont plus de chance de réussir une médiation diplomatique qui serve leurs intérêts commerciaux et stratégiques et consolide leur nouveau statut international.

L’accord tripartite irano-turco-brésilien ne doit pas être lu de manière unilatérale. Certes, la Turquie et le Brésil ont envoyé à l’Iran une bouée de sauvetage inespérée. Mais ces deux puissances moyennes émergentes ne l’ont pas fait pour les beaux yeux de l’Iran. Elles ont aussi énormément à gagner sur les plans stratégique et commercial dans une région vitale pour le système mondial. Ce n’est pas un hasard si l’intervention diplomatique inattendue de la Turquie et du Brésil a d’abord importuné les puissances en perte de vitesse sur ce dossier comme la France et l’Allemagne.

Les paradoxes de l’accord

En effet, l’accord irano-turco-brésilien cache plus d’un paradoxe. A court terme, les Américains ne pouvaient que sauter par-dessus cet accord tout en déclarant qu’il constitue un « pas positif ». Le contraire aurait été trop simple. Les Etats-Unis ne pouvaient abdiquer aussi facilement leur rôle dans cette crise sans se discréditer et sans alarmer leur allié intime israélien qui a réagi de la manière la plus hostile à l’accord en question. Mais si on considère les choses à plus long terme, les choses seraient plus nuancées. L’accord irano-turco-brésilien, s’il sert objectivement les intérêts stratégiques de ces trois nations, ne constitue pas pour autant un défi majeur aux intérêts stratégiques américains à long terme.

Les Américains sont bien conscients que le monde unipolaire auquel ont rêvé certains de leurs compatriotes au lendemain de la chute du mur de Berlin s’est brisé à l’épreuve des réalités géopolitiques. S’il y avait un quelconque doute à ce sujet, le bourbier dans lequel se trouvent les Américains au Moyen-Orient a fini par le dissiper.

Non seulement les Américains ne refusent pas l’intervention et la coopération des autres acteurs internationaux à leurs côtés en Irak et en Afghanistan mais ils en sont des demandeurs explicites. Mais il ne s’agit ni d’un retour au monde bipolaire de la guerre froide ni d’un équilibre multipolaire tel qu’on l’aurait souhaité pour la paix et la prospérité du monde. Il s’agit d’une période transitoire marquée par un désordre calculé et contenu dans lequel les Etats-Unis cherchent à jouer les premiers rôles au détriment des autres concurrents et rivaux mais sans les exclure totalement du grand jeu.

Bien entendu, dans la perception stratégique américaine, la scène internationale n’est pas uniforme. Il y a les puissances amies comme la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne avec lesquelles il peut y avoir une concurrence et une rivalité d’intérêts et donc parfois des divergences économiques et/ou diplomatiques et il y a des puissances comme la Russie et la Chine avec lesquelles on est bien obligé de gérer des intérêts et des dossiers internationaux d’intérêt commun tout en continuant à craindre leur développement technologique et militaire. Et il y a enfin les puissances moyennes émergentes (Inde, Turquie, Brésil) qui réclament une plus grande place dans le concert des nations. Dans ce jeu serré pour la puissance, paradoxalement, ce n’est pas l’Amérique qui risque de s’offusquer des réclamations des nouvelles puissances émergentes tant elle reste loin par rapport à leur niveau de développement.

En revanche, en jouant sur cette compétition internationale, l’Amérique peut arriver à neutraliser les ambitions des uns et des autres sur la scène internationale. De ce point de vue, l’accord irano-turco-brésilien peut être lu de deux façons à Washington. Certes, cet accord permet à l’Iran de s’en sortir à bon compte. C’est ce qui dérange la diplomatie américaine. Pour cette dernière, il n’est pas question de récompenser l’intransigeance iranienne. Mais une autre lecture est possible. Cet accord a permis de sortir du jeu la Russie et la France punies par Téhéran pour s’être trop compromises avec Washington dans le système de sanctions imposées à l’Iran. En outre, cet accord permet à deux puissances émergentes « amies » d’entrer (pour le Brésil) ou de consolider sa position (pour la Turquie) dans la région vitale du Moyen Orient.

Les enjeux cachés

Mais comment expliquer dans ces conditions l’intransigeance de la position américaine et notamment l’empressement avec lequel Hilary Clinton a commencé les manœuvres diplomatiques en vue d’arracher l’accord de Moscou et Pékin en vue d’imposer une nouvelle vague de sanctions contre l’Iran au risque de froisser leurs alliés turc et brésilien ? Les Américains ont pris prétexte d’une déclaration du président iranien qui aurait affirmé la volonté de son pays de continuer à enrichir l’uranium pour justifier leur position. Mais ce prétexte ne saurait cacher l’essentiel.
Dans la configuration géopolitique régionale actuelle, ce n’est pas tant la question de l’enrichissement de l’uranium que la question de la position de Téhéran à l’égard du projet du « nouveau grand Moyen Orient » à l’ombre de la pax americana qui focalise l’attention des états-majors américains et israéliens. Sans sacrifier aux discours idéologiques des uns et des autres en pareilles circonstances, force est de reconnaître que dans son ambition de conquérir un statut géopolitique régional à la hauteur de son poids historique, démographique et économique, l’Iran prône une politique et joue un jeu qui contrarient la volonté de domination israélienne et américaine- même s’ils contrarient par la même occasion d’autres intérêts et d’autres Etats- dans cette région vitale du monde.
En décidant de pousser le Conseil de sécurité vers l’aggravation du système de sanctions visant l’Iran, Washington risque de perdre un peu plus sa crédibilité diplomatique. Comment justifier le refus d’un accord qui est arrivé à arracher à l’Iran ce que les Américains lui demandaient il y a quelques mois sans avouer en même temps leur mauvaise foi ? Certes, en choisissant l’escalade diplomatique avec Téhéran, Washington réussira peut-être à dépasser sa mésentente momentanée avec son allié israélien sur le dossier iranien, ce qui n’est pas rien dans cette conjoncture marquée par la reprise des négociations indirectes israélo-palestiniennes. Mais rien ne garantit qu’un tel cadeau de la part de l’administration Obama atteindra l’objectif escompté, à savoir un fléchissement du gouvernement israélien sur la question palestinienne.
S’il venait à être adopté et appliqué, le nouveau système de sanctions proposé par les Américains à l’encontre de l’Iran (stipulant notamment l’interdiction de l’exportation de huit types d’armement « lourds » qui font partie intégrante de tout système défensif digne de ce nom puisque cela va du char à l’avion de combat en passant par les pièces d’artillerie et les missiles anti-aériens) serait d’une telle gravité qu’il ne pourrait laisser ce pays inactif.

Jusqu’ici le régime iranien a réussi à éviter un trop grand décalage entre ses intérêts politiques étroits et les intérêts stratégiques de l’Iran en tant que nation. Les conséquences désastreuses du nouveau système de sanctions sur les capacités de défense nationale du pays risquent de mettre les élites politiques et militaires de la république islamique devant de sérieux dilemmes. Si une crise interne n’est pas à exclure comme le souhaiteraient les Occidentaux, il est aussi probable que l’Iran réponde à l’escalade américaine par le durcissement de sa politique dans la région et on sait qu’il en a les moyens.

Mais jusqu’où peut-il aller sans tomber dans un aventurisme dangereux pour sa propre sécurité nationale ? Pour baliser la voie à un « processus de paix » non seulement injuste mais surtout irréaliste et satisfaire les désirs impossibles de leur allié « spécial » israélien, les Etats-Unis sont-ils prêts à aggraver le cauchemar quotidien de leurs soldats engagés dans le bourbier d’Irak et d’Afghanistan ?

Source: http://www.oumma.com/L-accord-irano-turco-bresilien-un

mercredi 19 mai 2010

Message du Chef de l'Etat à la Nation

A l'occasion de la célébration des Cinquantenaires de l'Indépendance et de la Réunification du Cameroun, le Chef de l'Etat, S.E.M. Paul BIYA, a adressé un message à la Nation.

"Camerounaises, Camerounais,

Mes chers compatriotes,

Le 31 décembre dernier, je vous ai annoncé que nous célébrerions cette année le Cinquantenaire de notre indépendance, prélude à notre réunification, et que les commémorations trouveraient leur apothéose lors de notre Fête Nationale.

C’est en ouverture à ces événements que je m’adresse à vous ce soir pour dégager la signification et la portée de l’accession de notre pays à la souveraineté.

Le 1er janvier 1960, nous devenions INDEPENDANTS. Cela signifiait que nous prenions en mains notre propre destin, que nous devenions responsables de la conduite de nos affaires, que nous aurions à répondre de nos actes devant l’Histoire.

Quelle était alors la situation de notre peuple ? La plupart d’entre nous se reconnaissaient davantage comme membres de leur communauté d’origine que comme citoyens d’une même nation, ce qui n’avait rien de surprenant compte tenu de notre passé quasi-colonial. Et pourtant, depuis que la deuxième guerre mondiale avait sonné le glas des empires coloniaux, de jeunes nationalistes avaient fait le rêve incertain de la liberté. Disons le clairement, leur combat, pour certains leur sacrifice, aura été pour beaucoup dans l’accomplissement du droit de notre peuple à disposer de lui-même. C’est pourquoi, je le répète, nous devrons leur être éternellement reconnaissants.

Et notre pays ? Délimité par des frontières arbitraires, mal matérialisées, composé d’une mosaïque de circonscriptions administratives, dépourvu de grands axes de communication, économiquement replié sur lui-même, si l’on excepte les cultures de rente destinées à l’exportation, sous-équipé en infrastructures scolaires et de santé, il s’agissait plus d’un agrégat de territoires, différents par la langue, les coutumes, la religion, l’organisation tribale, etc. A quoi s’ajoutaient les particularismes hérités de trois modes dissemblables de colonisation.

Etions-nous une nation ? Pas encore, puisqu’il nous faudrait attendre la réunification avec nos frères du Cameroun occidental et faire naître ce « désir de vivre ensemble » qui caractérise une nation.

Etions-nous un état ? En droit, oui puisque nous étions affranchis de la tutelle et reconnus par la communauté internationale. Mais dans la réalité, la tâche restait immense.

Former une nation, construire un état, tel était le double défi auquel nous étions donc confrontés dès notre accession à la souveraineté.

Le premier n’était pas le plus facile à relever, car il échappe au volontarisme. Il doit émaner de la conscience collective des citoyens et ne peut naître que de la lente maturation d’une histoire commune. Voyez les vieilles nations européennes, elles ont toutes mis des siècles à se constituer, le plus souvent à travers les épreuves. En ce qui nous concerne, le processus a été plus rapide et, même s’il doit être sans cesse conforté, il est incontestable qu’il existe aujourd’hui une NATION CAMEROUNAISE et que son unité est notre bien le plus précieux.

Construire un état n’a pas été non plus une tâche aisée. Au début, nous manquions de cadres qualifiés et il a fallu faire avec le personnel disponible. L’enthousiasme et le dévouement ont parfois suppléé le manque d’expérience et de compétence. Mais, assez vite, la création de l’ENAM, qui vient elle-même de célébrer son cinquantenaire, a permis de doter notre administration des moyens humains nécessaires pour maîtriser le fonctionnement de l’Etat et s’approprier les mécanismes du développement. On peut dire aujourd’hui qu’à côté des institutions politiques le Cameroun dispose d’une administration d’Etat qualifiée et répondant à ses besoins.

Pour un peuple comme le nôtre, l’idée d’indépendance et donc de liberté est inséparable de celle de démocratie. Sans qu’il soit question ici de refaire l’historique des événements qui ont précédé et suivi notre indépendance, il est permis de dire que les conditions qui prévalaient alors peuvent expliquer (je ne dis pas justifier) le recours à des formes autoritaires de gouvernement. Mais il était prévisible que les choses étaient appelées à changer.

Vous vous souviendrez que, dès 1982, j’avais annoncé qu’une libéralisation progressive était nécessaire. Après avoir expérimenté la pluralité des candidatures au sein du parti unique, nous avons restauré le multipartisme. Puis au début des années 90, plusieurs lois garantissant les libertés civiques, d’association et de presse ont été adoptées. Au fil du temps, des consultations électorales, à différents niveaux, ont été organisées dans des conditions que nous nous sommes efforcés de perfectionner pour assurer la sincérité des scrutins.

Aujourd’hui, je crois pouvoir dire qu’avec un Président de la République élu au suffrage universel direct, une Assemblée Nationale où siègent des représentants de la majorité et de l’opposition, un Gouvernement multicolore responsable devant l’Assemblée, un Pouvoir Judiciaire indépendant, nous avons établi un régime remplissant les critères essentiels de la démocratie. Nous allons d’ailleurs en compléter les dispositions avec l’institution du Senat et la mise en œuvre effective de la décentralisation qui permettra aux citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques, sans pour autant compromettre l’unité nationale. Nous nous sommes également attachés à apporter des garanties au respect des droits de l’homme, tant dans les textes que dans la pratique quotidienne des organes de l’Etat.

Malheureusement, nous le savons, la liberté politique n’est pas suffisante pour assurer la liberté tout court. Quelle est en effet la liberté d’un homme qui ne mange pas à sa faim ? C’est pourquoi nous avons toujours pensé qu’elle était indissociable du progrès économique et social. Cette partie de notre projet de société s’est avérée la plus difficile à réaliser.

Depuis l’extension de la mondialisation, les économies nationales sont encore plus tributaires des variations de l’économie globale sur laquelle les gouvernements ont peu de prise. Notre tâche s’est ainsi trouvée compliquée pendant les dernières décennies par une succession de crises : dégradation des termes de l’échange, ralentissement de la croissance en Europe et en Asie, variations erratiques des cours du pétrole et des matières premières, etc. Tous phénomènes qui ont eu pour notre économie des conséquences négatives.

Nous avons néanmoins fait front en nous soumettant à la rude discipline des plans d’ajustement structurel. Les sacrifices consentis par notre population nous ont permis, après une véritable récession, de retrouver le chemin de la croissance. La dernière crise a malheureusement de nouveau entravé nos efforts, en réduisant nos exportations et en freinant nos investissements, avec pour conséquence une remontée du chômage.

Il n’est pas question ici de chercher des excuses. Qui peut contester aujourd’hui que presque tous les pays – y compris les plus puissants– connaissent de grandes difficultés économiques ? En attendant une hypothétique reprise, chacun d’entre eux s’efforce de trouver la voie du salut. C’est évidemment ce que nous essayons de faire nous-mêmes.

Nous n’avons pas pour autant renoncé à faire reculer la pauvreté. Si aux plans de l’éducation et de la santé, des avancées indéniables ont été faites, il faut bien reconnaître que la partie la plus vulnérable de notre population, surtout dans les zones rurales, n’a pas vu son sort s’améliorer considérablement. L’accès à l’eau, à l’électricité et aux soins de santé reste pour beaucoup aléatoire. En revanche, nous pouvons prétendre que le paysage scolaire et universitaire de notre pays n’a plus grand chose à voir avec la situation d’après l’indépendance.

Par ailleurs, l’urbanisation accélérée qui s’est produite au cours des dernières décennies à la suite d’un fort exode rural a soulevé un grand nombre de nouveaux problèmes : logement, voirie, transport, sécurité. Avec à peu près la moitié de la population dans les villes, le Cameroun est on ne peut plus différent de ce qu’il était il y a cinquante ans.

Nous avons connu un autre bouleversement qui s’est opéré de façon progressive, si progressive qu’il est passé presque inaperçu. Avec les progrès de la scolarisation et de l’alphabétisation, ainsi que la diffusion des médias de masse, notre peuple s’est ouvert sur le monde. Nous lisons les journaux, écoutons la radio, regardons la télévision. Nos comportements, nos modes de vie, nos façons de penser ont évolué. Peu d’entre nous se rendent compte combien nous avons changé. En même temps que nous nous « occidentalisons », si je puis dire, nos différences tendent à s’estomper.

L’Afrique n’est pas la seule à connaître cette transformation. Même les pays dont l’identité était la plus marquée, n’ont qu’imparfaitement résisté. Acceptons ce que cette évolution a de positif, c’est-à-dire ce qui nous permet de progresser et de nous rapprocher des autres peuples. Mais que ceci ne nous empêche pas de retenir ce qui participe de notre nature profonde : la solidarité, la fraternité et autres vertus africaines. Efforçons nous aussi de garder ce qui appartient à notre génie propre : notre culture, nos langues nationales mais aussi celles qui sont devenues les nôtres. Conserver son patrimoine, c’est aussi conserver son identité.

En même temps que nous construisions notre pays, il nous incombait de veiller à la protection de son intégrité territoriale. Le vaste territoire dont nous avions hérité, nécessitait pour assurer sa sécurité la disponibilité de forces de défense suffisamment nombreuses et bien formées. Nous avons mené à bien cette tâche et nous disposons aujourd’hui d’une armée qui répond à nos besoins. Avant tout force de dissuasion, elle n’a vocation d’intervenir qu’en dernier recours.

Notre idéal de paix nous incline en effet à privilégier la concertation ou la négociation. De fait, nous nous sommes efforcés, tout au long des dernières années, d’entretenir avec nos voisins les meilleures relations possibles. Il me semble que nous y avons réussi. Le seul problème très sérieux que nous avons connu a concerné l’affaire de Bakassi. il a été heureusement réglé, conformément au droit international, grâce à l’esprit de conciliation et la volonté de rapprochement des parties en cause.

Ayant accédé à la souveraineté internationale, il nous revenait de déployer un réseau diplomatique à notre mesure. Cela a été fait progressivement. Aujourd’hui, nous sommes présents dans de nombreuses capitales et auprès des principales organisations internationales. De leur côté, plusieurs dizaines de représentations diplomatiques étrangères sont établies à Yaoundé. Nous pouvons ainsi jouer notre partition sur la scène internationale tant pour participer à l’activité diplomatique générale que pour défendre nos intérêts. La place du Cameroun sur l’échiquier mondial me paraît tout à fait honorable.

Mes chers compatriotes,

Peu nombreux sont ceux aujourd’hui qui ont vécu les heures exaltantes de l’indépendance. La plupart d’entre eux ont disparu et avec eux une part de leur rêve inachevée. Mais ils ont connu l’essentiel : ne plus subir l’humiliation, marcher la tête haute, agir à leur guise, avoir le droit à l’erreur. Pour la majorité d’entre vous, cette époque appartient à un lointain passé et est de l’ordre de l’acquis. Je ne m’en étonne pas mais comprenez que j’aie voulu dresser le rapide bilan qui précède pour mesurer le chemin parcouru.

Bilan positif ou négatif ? Aurait-on pu faire mieux ? Peut-être. Moins bien ? Sûrement. Sans revenir sur ce qui a été dit sur notre Nation et notre Etat, je rappellerai que nos institutions politiques sont restées stables, que les tensions sociales ont pu être maîtrisées, que nous sommes restés en paix avec nos voisins et que les libertés et les droits de l’homme n’ont pas cessé d’être respectés.

La véritable ombre au tableau reste la pauvreté qui demeure une plaie ouverte sur notre corps social. Tout en reconnaissant nos insuffisances, j’ai dit pourquoi les crises successives dont nous n’avions pas le contrôle, nous ont contraints pendant des années à gérer la pénurie et à rester en deçà de nos objectifs. Alors que les effets de la crise s’atténuent, que les premiers signes de reprise se manifestent et que l’investissement paraît devoir reprendre, je pense que nous devons considérer l’avenir autrement.

Je crois en effet qu’une époque est en train de prendre fin. Pour dire les choses clairement, j’estime que nous devons nous fixer comme ambition de devenir dans une vingtaine d’années un PAYS EMERGENT. J’avais évoqué cette éventualité il y a quelque temps sans pouvoir imaginer que la dernière crise économique et financière viendrait en éloigner la perspective.

Entretemps, nous nous sommes dotés d’une vision de développement à long terme qui prévoit qu’à l’horizon 2035 le Cameroun pourrait être (je cite) « un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité ». Cela suppose que nous parvenions à réduire la pauvreté à un niveau socialement acceptable, que nous devenions un pays à revenu intermédiaire et que nous franchissions le stade de nouveau pays industrialisé. Je ne me dissimule pas que ce défi est de taille. Mais je crois que notre pays en a les ressources et que notre peuple a les qualités requises pour le relever.

Un « document de stratégie pour la croissance et l’emploi » a été élaboré et servira de cadre de référence à l’action gouvernementale pour la période 2010-2020. Ce document fixe les objectifs de la première phase de notre vision à long terme et définit la stratégie pour les atteindre. Il relève les lacunes structurelles qu’il conviendra de corriger et passe en revue les grandes infrastructures que nous devons réaliser, ainsi que les secteurs productifs à moderniser. Enfin, il énumère les réalisations à prévoir dans les domaines de la santé, l’éducation et la formation professionnelle.

Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un véritable plan décennal de développement qui nous a fait défaut au cours des dernières années. Il vise essentiellement à redynamiser notre situation économique et par ce moyen à stimuler l’emploi et faire reculer la pauvreté. Quelle que soit votre place dans la société, je voudrais que vous considériez la mise en œuvre de cette stratégie comme une véritable cause nationale et que vous vous mobilisiez pour en assurer le succès.

Je vous le disais il y a un instant. Nous allons changer d’époque. Pour me résumer, je dirais que, durant les cinquante dernières années, nous avons édifié l’architecture de notre indépendance. Demain nous allons lui donner le contenu économique et social qu’elle mérite.

Notre peuple qui a fait preuve de tant de courage et de patience, devrait y trouver, à travers une juste redistribution des fruits de la croissance, la récompense des sacrifices qu’il a consentis.

Vive l’indépendance !

Vive le Cameroun !"


dimanche 9 mai 2010

Intégral du discours du Guide de la révolution lors de la commémoration du 24ème anniversaire de l’agression américano-atlantiste.

Le jeudi 15 avril 2010, date qui symbolise la 24ème année de l’agression américano-atlantiste, le Guide de la Révolution, le frère-Colonel Mouammar Al-Kadhafi a tenu à recadrer et clarifier dans son discours commémoratif, devant les membres des comités populaires de base de la région de Syrte, les parlementaires venus de différents pays dans le monde, les diplomates et les invités de la Grande Jamahiriya venus pour l’occasion, les relations que la Libye et le peuple libyen entretiennent avec l’extérieur entre autres avec les Etats-Unis d’Amérique.


Intégral du discours du Guide de la révolution lors de la commémoration du 24ème anniversaire de l’agression américano-atlantiste avortée contre la Grande Jamahiriya – Syrte, 15 avril 2010

« Bonsoir à tous

Ma présence aujourd’hui dans cette région – tout comme il est observé partout dans les autres régions de la Jamahiriya les manifestations du même genre - marque un symbole, celui de l’agression hypocrite de la Grande Jamahiriya en 1986 par l’Amérique et ses alliés occidentaux. Ce jour-là, nous avions compté des victimes parmi lesquels nos enfants et parents.

C’est assurément un anniversaire douloureux d’un point de vue intime; mais c’est aussi un aperçu des positions que peuvent être l’affrontement et les batailles de résistances contre les agressions.

Ce qu’il nous faut souligner en cette journée de commémoration, 24 ans après cet affrontement démesuré qui a atteint les proportions de conflit entre la Libye et l’Amérique, c’est que, c’était tout de même, au demeurant de la Libye, un affrontement glorieux… un petit peuple qui résiste au plus grand et géant impérialiste sur terre, qui le défait… et qui est resté jusqu’à ce jour dans ses frontières… donc la Libye est restée libre et indépendante.

La question qui mérite qu’on s’y attarde est celle-ci : Quels sont les résultats acquis depuis cet événement douloureux jusqu’à nos jours ? En 1986, bien avant et même après cette date, l’affrontement était resté intense et démesuré. Il y avait une situation d’hostilités et de guerre qui nous étaient imposées. Les causes à cela, l’histoire nous les racontera plus que nous ne saurions le faire aujourd’hui. Plus tard, des vérités surgiront beaucoup plus qu’il en est aujourd’hui.

Bien qu’il soit africain, d’origine arabo-soudanaise, ou d’origine musulmane, etc.… il est un homme dont la politique jusqu’ici doit être encouragée et appuyée au possible. Car c’est un homme qui aspire à la paix, qui a tiré un trait sur toutes les sornettes américaines, sur tous les programmes schizophréniques américains que les USA ont menés dans le passé pour martyriser les peuples, avec toutes les fausses querelles qu’ils orchestraient et qui devenaient déjà monnaie courante dans le monde… Cela explique aujourd’hui la raison de notre soutien, c’est une attitude que nous approuvons. J’invite tous les peuples à lui accorder cette main tendue, à l’appuyer dans ses visions politiques. En effet, l’Amérique est une superpuissance dans le monde. Si sa politique est négative, elle le sera pour le reste du monde. Si elle est bonne, c’est aussi le monde qui en tirera profit.

Tant que ce qui est aujourd’hui proposé est un programme pacifique, abstraction faite que c’est parce que c’est Obama qui est Président des USA et que l’Etat en question c’est l’Amérique, il faut dans cette situation réellement l’appuyer. J’ai toujours dit jusqu’ici, car je ne sais pas ce qui adviendra à Obama, que ses politiques méritent l’encouragement. Ainsi, être hostile à l’Amérique parce que c’est l’Amérique, c’est une politique qui n’est pas vigoureuse, ni sage.

Nous devons être constamment hostiles à l’Amérique lorsque les raisons nous poussent à l’être. Au temps de Reagan, nous lui jetions des invectives, nous étions hostiles à l’Amérique étant donné que nous étions dans une situation d’affrontements permanents. Nous incitions le peuple contre l’Amérique. Nous déclarions franchement ce qui devait être déclaré contre l’Amérique. Dans l’affrontement, nous faisions ce qui devait être fait contre l’Amérique. Mais aujourd’hui, l’Amérique d’Obama n’est pas celle de Reagan. Naturellement, ce serait arbitraire de dire aujourd’hui que l’Amérique est demeurée telle qu’elle était avant… telle qu’elle était et telle qu’est par exemple, la politique d’Obama appelant à œuvrer pour que le monde se débarrasse des armes nucléaires. Tous les peuples soutiennent cette politique… il faut la soutenir… il faut l’encourager dans cette politique.

Notre vœu est que se réalise ce rêve qui est celui d’Obama, que le monde soit exempt d’armes nucléaires. C’est quelque chose qu’aucun président américain n’avait proposé auparavant. Aucun d’eux n’avait avant lui proposé d’œuvrer dans ce sens ni d’amorcer un programme de désarmement nucléaire dans le monde. Il y avait autrefois des traités entre l’Union soviétique et l’Amérique concernant la diminution des stocks d’armes nucléaires. Cependant, le programme de Barack Obama consiste à se débarrasser complètement d’armes de destruction massive – bien entendu – que c’est en plusieurs étapes et non tout d’un coup. Ce que je veux dire par-là, c’est le fait que tous les peuples soutiennent le fait de vivre dans un monde dépourvu d’armes de destruction massive. Face à cette politique, on ne saurait s’y opposer. Tout au contraire, il faut le saluer et l’appuyer.

En plus, c’est un homme qui est contre la guerre dont les précédents présidents ont plongé l’Amérique. Il n’est pas un va-t-en guerre. Il a annoncé qu’il se retirera de l’Afghanistan et de l’Irak. Ce qui n’était pas à l’ordre du jour avant lui. Pourtant avant son accession à la tête de l’Amérique, des déclarations fusaient de partout des responsables américains que les USA resteront cent ans en Irak.
Ce qui est ironique dans tout cela, c’est le fait que l’Amérique avant qu’elle ne sombre en Irak, avait un plan d’encerclement de la Russie par le sud, en survivance du plan d’Hitler, dont la stratégie consistait en un piège pour parvenir à Moscou, comme vous le savez.

Rommel était venu en Afrique du nord pour envahir le Moyen-Orient tel que plus tard, l’Amérique planifiera, après l’invasion de l’Irak, l’attaque contre la Russie. Dans cette même logique, Hitler voulait ainsi cerner la Russie - l’Union soviétique à l’époque - en procédant par le sud, en Scandinavie et en mer Baltique par le nord… cette souricière stratégique connue dans la science militaire dans la deuxième guerre mondiale.

L’Amérique avait procédé suivant le même plan, avant l’arrivée d’Obama, avant qu’elle ne sombre en Irak. A toute chose, malheur est bon et Obama est arrivé au bon moment. C’est un mal qui affecte l’Irak… qui affecte la nation irakienne, avec bien entendu ce que cela induit en pertes énormes. Il reste que cette situation a un sens en ceci qu’elle ramène l’Amérique à la raison, qu’elle ne peut évoluer comme bon lui semble dans ce monde.

L’Amérique a sombré en Irak certainement parce qu’elle ne s’y attendait. Elle avait pris les choses aussi facilement qu’elle ne l’imaginait, en passant que dès qu’elle finira d’envahir l’Irak, elle s’en prendra à la Syrie puis à l’Iran et qu’à l’issue de toutes ces percées, elle pourra aisément nettoyer les poches qu’elle aurait laissées derrière elle, comme par exemple la Libye, l’Algérie, le Soudan et tout autre Etat libre. C’était ainsi qu’elle envisageait sa domination sur le monde mais elle avait oublié qu’elle devait sombrer en Irak.

Je dirai que l’invasion de l’Irak est à la fois un malheur et quelque chose qui a de l’utilité par ailleurs malgré toutes les énormes pertes dont souffre le peuple irakien ; elle a ramené l’Amérique à la raison. Et Obama a condamné cette politique dans sa totalité et a annoncé le retrait de l’Irak. Il a fondamentalement condamné l’invasion de l’Irak. C’est cela qui m’amène à demander que le monde le soutienne et l’appuie dans cette logique.

(Ovations de la masse)

C’est bien que les libyens applaudissent un Président américain. C’est formidable ! Cela veut dire qu’il s’est réellement produit un changement dans le monde.

S’il faut parler de l’Afghanistan, c’est pareil. Il a condamné cette guerre et a aussi décidé du retrait américain en Afghanistan. Je crois que l’année prochaine verrait des retraits américains de l’Afghanistan et de l’Irak… il a été jusqu’à également condamné la guerre du Vietnam qu’il a jugé d’erreur grave. Or on sait que la guerre du Vietnam pour les américains est du domaine du sacré qui ne doit pas être condamné. D’un point de vue stratégique, quiconque en Amérique osait critiquer la guerre du Vietnam ne bénéficiait plus d’aucun soutien.

Au plan interne, on a vu comment il s’est battu bec et ongle sur le dossier sur la protection sanitaire. C’est extraordinaire ! C’est quelque chose qui n’a jamais existé en Amérique. On a vu comment il s’est battu pour les pauvres et pour ceux qui ont bien besoin de la couverture santé. Sans doute que le Secrétaire d’Etat, du fait qu’elle soit une femme et qui a autrefois œuvré pour la protection de l’enfance et la couverture santé, et qui est à l’origine de l’ouvrage « une vie que nous avons vécue », pourrait avoir aidé au succès de ce programme.

Toujours sur le plan interne, au lieu de se jeter dans la politique dite de protection du monde ou de la poursuite des terroristes à travers le monde, il a relevé que cela était impossible de supprimer physiquement tous les terroristes dans le monde et donc, qu’il faut sécuriser l’Amérique de l’intérieur. Voila, ce sont des politiques raisonnables qui méritent d’être soutenues.

En ce qui concerne les relations américano-libyennes, Obama a affirmé à plusieurs reprises que ce soit à moi personnellement ou en Italie avec Moussa Koussa (ndlr actuel Secrétaire général du Comité Populaire de Liaison Extérieure et de la Coopération Internationale) ou même lors de la rencontre à New-York… ce qui a été confirmé par le Département d’Etat américain ou par l’Ambassade américaine, que les Etats-Unis d’Amérique sont animés d’intentions sérieuses pour une bonne relation d’amitié et de coopération avec la Libye.

Aujourd’hui, même sans ces bonnes paroles émanant de l’administration américaine à l’encontre de la Libye, je peux dire qu’il n’y a plus de problèmes secondaires subsistant entre la Libye et l’Amérique.

La Libye et l’Amérique, en tant que deux Etats souverains vive sans catégoriquement plus aucun problème après que celui de Lockerbie ait été résolu… il n’y a plus rien en suspens entre nos deux pays.

Et même, si l’Amérique était un Etat impérialiste, cela ne relèverait plus d’un problème du peuple libyen avec l’Amérique. Ce serait un problème englobant tous les peuples du monde. Si l’Amérique est une superpuissance, un Etat puissant, cela ne concerne pas le peuple libyen uniquement. Cela devrait concerner en premier chef la Fédération de Russie, la Chine et le reste du monde. Et si l’Amérique était aux côtés des Israéliens contre les Arabes, cela ne concernerait pas en premier lieu le peuple libyen mais toutes les nations arabes au premier rang duquel la nation Palestinienne.

Je souhaite pour ma part, que nous évoluons notre position; que l’on ajuste les concepts mais que nous restons toujours en état d’éveil. L’Amérique reste toujours l’Amérique, une superpuissance et ses agissements ainsi que ses politiques seront toujours ceux de tout empire comme ce fut au temps de l’empire allemand à l’époque d’Hitler, l’empire français de Napoléon, l’empire ottoman, perse, romain, abbasside et omeyade.

Tous ces empires ont toujours eu des politiques impérialistes. Bien entendu que c’est à prendre au sérieux, mais cela n’a rien à voir dans les relations bilatérales ni dans les relations entre la Libye et l’Amérique. C’est un problème ou une affaire qui concerne tous les peuples de la terre par rapport à l’Amérique et nous ne sommes pas les représentants du reste des peuples dans la résistance face à elle. C’est un problème mondial. Et en tant que problème mondial, c’est quelque chose d’apaisant et un acquis important. Le fait qu’après un quart de siècle dans une si longue bataille, il n’y ait plus de problèmes bilatéraux entre nos deux pays est significatif à nos jours : pas de problèmes sur le golfe de Syrte ni sur les frontières, ni sur le pétrole ou le terrorisme. Les problèmes, quels qu’ils soient, n’existent pas aujourd’hui entre la Libye et l’Amérique. Je peux l’affirmer haut et fort devant le peuple libyen, le peuple américain et le monde entier.

Quant à l’autre aspect, je veux dire, la question des Arabes dont je conduis en ce moment la présidence de la Ligue arabe… la relation entre les Arabes et l’Amérique n’est pas celle qu’entretiennent la Libye et l’Amérique. C’est bien une relation entre la nation arabe d’une part et l’Amérique, de l’autre part. S’il faut parler de cette relation, nous dirons tout court que les Arabes détestent l’Amérique, sans aucun doute. Il n’y a pas un seul Arabe qui aime l’Amérique. Même les dirigeants que l’Amérique considère alliés ou amis, ne l’aiment pas. Cet amour apparent est tout simplement de la supercherie ou alors du pragmatisme en politique. Quelqu’un qui a peur de l’Amérique, pour éviter sa vindicte prétendra qu’il l’aime ; un autre espère que l’Amérique le soutienne économiquement soit en lui octroyant des crédits ou des aides financières ou quelque chose dans ce genre ou qu’elle protège son régime politique. Mais au fond d’eux-mêmes, les Arabes n’aiment pas l’Amérique. Ce n’est pas que de l’Amérique d’Obama, nous parlons de manière générale de celle d’avant lui car la cause a été chèrement entendue.

Quant à la rue arabe, il n’y a aucune hésitation là-dessus, elle déteste souverainement l’Amérique à cause de ses politiques impérialistes dans le passé, comme je l’ai clairement évoqué plus haut. L’empire Ottoman par exemple n’était pas aimé par les peuples qu’il écrasait, ni celui de Napoléon. Les Empires perse, moghol, tatare, genghin-khan, kambiz et korch, ou les empires abbasside, omeyade et fatimide n’étaient aimés par aucun peuple. Les peuples redoutaient leur foudroiement car ils les piétinaient et au cours de leurs incursions, rasaient les terres des populations, les occupaient et les colonisaient.

Donc, c’est connu des impérialistes… leur puissance leur impose cette politique… « L’homme tend à tyranniser s’il est atteint par la folie ». Quand l’homme se sent fort et riche, il se comporte en tyran, c’est de la psychologie. Les Arabes n’aiment pas les Américains et la raison de ce fait est claire à cause de la Palestine. Autrefois, les Arabes détestaient l’Angleterre et l’accusaient d’avoir livré la Palestine aux Israéliens en 1948 [vrai ou faux], les Arabes détestent l’Angleterre pour cela.

Plus tard l’Amérique est intervenue sur la scène et dans la bataille aux côtés des Israéliens contre les Arabes. L’opinion publique arabe a changé vis-à-vis des Américains, les Arabes ont commencé à détester les américains comme ils l’ont fait contre les Britanniques.

Tous les intellectuels arabes détestent l’Amérique, les peuples, les gens ordinaires, tous la détestent mais prétendent être ses amis ou alliés. Ceci n’est qu’hypocrisie pour des raisons que j’ai évoquées plus tôt en les qualifiant de pragmatisme ou d’utilitaire.

La raison évidente qui a fait que les arabes détestent l’Amérique, c’est la question de la Palestine ; bien évidemment après son alignement derrière les Israéliens. C’est là où elle a perdu l’amitié de la nation arabe, puis la rue elle-aussi est devenue son ennemie.

Si les Américains veulent regagner l’estime arabe ou avoir les Arabes comme alliés, ils doivent changer de politique. Aujourd’hui, les Palestiniens sont dans une situation identique à celle des juifs autrefois, lorsqu’ils étaient éparpillés et opprimés.

Le Roi Édouard I, roi d’Angleterre a chassé les juifs de l’Angleterre après les avoir bien persécutés ; ce roi n’était pas Arabe. C’était un anglais et roi d’Angleterre… Tétus et Hadrien ont persécuté les juifs, ce sont des empereurs romains et non arabes.

Les tribunaux d’Inquisition en Andalousie étaient des tribunaux gothiques européens et non arabe. Les Arabes et Juifs ont subi la persécution de l’Inquisition et ils ont été chassés de la Presqu’île Ibérique d’Espagne et d’Andalousie et se sont refugiés dans les pays arabes.

Ce sont les Arabes qui ont accueilli les juifs à l’époque lorsque les romains les ont chassés d’Al-Qods et les ont persécutés. Les Arabes les ont accueillis et leur ont donné des villages tels qu’Oued Al-Qora. Les tribus juives qui étaient en Arabie étaient des tribus chassées à l’époque romaine. Il y avait des quartiers juifs dans chaque pays arabe. Ils avaient des quartiers au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, en Egypte, en Syrie partout dans chaque pays arabe, on entendait des quartiers juifs. Ces quartiers sont apparus après l’expulsion des juifs et arabes d’Andalousie… les arabes les ont accueillis et garantis leur sécurité. Ils n’ont pas persécuté les juifs.

Et enfin, les fours à gaz et l’holocauste ; c’est l’œuvre des Européens, c’est l’œuvre des Allemands et non pas des Arabes. Comment donc l’adversité s’est déplacée vers les Arabes et pourquoi ils veulent satisfaire les juifs sur le dos des Arabes ?

Les Arabes ont refusé la partition de 1947 et aujourd’hui, on dit pourquoi vous l’avez refusé ? Ils ont leur raison. A l’époque, les Arabes étaient démographiquement plus importants que les juifs en Palestine. Et ils ont eu une partie de terre moins importante que celle donnée aux juifs. Donc, les Arabes ont dit, nous sommes la majorité en Palestine, comment vous nous donnez une terre moins importante par rapport aux juifs… voila même qu’aujourd’hui, les juifs se sont tout accaparés, ayant expulsé près de quatre millions de Palestiniens.

L’Amérique doit modifier sa politique si elle veut s’attirer la sympathie arabe – nous parlons maintenant au nom des Arabes – Les Américains doivent regarder le peuple Palestinien comme ils l’ont fait avec les juifs de la diaspora.

Aujourd’hui, c’est le peuple palestinien qui vit dans la diaspora et subit des bombardements des israéliens qui utilisent les avions de combats et les armes les plus sophistiqués pour assassiner des enfants, persécuter le peuple palestinien et détruire les maisons.

Maintenant, il est temps que l’Amérique se mette aux côtés de ce peuple. Ce qui se produit aujourd’hui, c’est l’antisémitisme arabe. Le sémitisme arabe affronte l’adversité de l’Europe, de l’occident au profit des Israéliens.

Si l’occident est terrorisé par l’antisémitisme, nous-aussi, nous sommes des sémites. Le semitisme arabe est persécuté. L’Amérique et l’Europe ne devraient pas appliquer une politique contre le sémitisme arabe et un racisme anti-arabe.

Actuellement, les Palestiniens sont dans une situation où l’Amérique devrait être à leur côté et non pas aux côtés des Israéliens. C’est bien possible, si Barack Obama manifeste son courage et que la politique américaine subisse un profond aménagement en faveur des Palestiniens. Que la Palestine soit souveraine sur la Cisjordanie et la bande de Gaza. Ce sera une ruse qui mettra fin au conflit… et qu’à l’opposé, si des politiciens palestiniens et arabes s’accordent là-dessus en faveur de l’Israël, ils seront considérés comme des traitres et bien évidemment la future génération s’y opposera. Cette génération sera pour la Palestine.

Est-ce que la Cisjordanie et la bande de Gaza n’étaient pas sous notre souveraineté ?! en 1948, les Israéliens n’avaient pas occupé la Cisjordanie et Gaza. La Cisjordanie était sous le contrôle de la Jordanie et Gaza sous contrôle égyptien. Pourquoi, ils n’ont pas constitué un Etat palestinien sur ces territoires ? La raison réside dans le fait que ces deux territoires ne sont pas la Palestine.

Les habitants de Gaza sont sur leur territoire, ceux de la Cisjordanie aussi, mais quatre millions de palestiniens ont été expulsés. Ils doivent y retourner.

L’Amérique doit œuvrer pour le retour au moins des quatre millions d’expulsés palestiniens de 1948.

L’idée de deux Etats, un sur la Cisjordanie, sur la bande de Gaza et un Etat Israélien, relève d’une pensée naïve et ne résoudra pas la question. La Cisjordanie n’est pas la Palestine, Gaza non plus.

La Palestine est cette terre qui se situe entre le fleuve et la mer et sur laquelle doit vivre les Palestiniens et les Israéliens. La solution de cette question réside dans la création d’un seul Etat démocratique, conditionné par le retour des refugiés palestiniens et le nettoyage des armes de destruction massive dans la région.

En outre, la colère des Arabes contre l’Amérique vient de son soutien aux Israéliens et de son silence vis-à-vis de son arsenal nucléaire.

La Libye, l’Iran, la Syrie, l’Egypte et l’Irak sont poursuivis pour l’acquisition d’armes de destruction massive. L’Irak et la Syrie sont attaqués et aujourd’hui regardez ce qu’on fait contre l’Iran. Ils ont alerté le monde entier et déclenché une vaste campagne contre ce pays.

Pourquoi cela ne se fait pas à l’égard du réacteur de DIMONA, avec ses 200 têtes nucléaires ? C’est ce que disent les Arabes. Même si les gouvernants arabes ne bronchent pas, le peuple arabe le clame haut et fort. Il se dit, si l’Amérique était un Etat juste et une superpuissance qui œuvre pour la paix dans le monde, elle devait avoir la même mesure envers les deux parties.

Oui, la Libye ne doit pas avoir d’armes de destruction massive dont elle s’est volontairement débarrassées, la Syrie ne doit pas les avoir non plus, ni l’Irak, l’Iran, l’Egypte et autres. En contrepartie, les Israéliens ne doivent pas aussi disposer d’armes de destruction massive.

Mais non, les Arabes ne sont pas naïfs. Ils voient les américains s’aligner du côté du programme nucléaire israélien. Cette Amérique n’impose pas une inspection de ses installations, ne demande pas son démantèlement et en même temps exige des Arabes, le désarmement.

Bien évidemment, ces paroles sont adressées à notre fils Barack Obama et au peuple américain. Ce jour est d’une part, jour de commémoration d’un douloureux souvenir mais d’autre part, il intervient à un moment où il n’y a pas de problème dans les relations entre les peuples libyen et américain. Les problèmes restent actuellement entre les Arabes et l’Amérique… ce n’est plus un problème avec le peuple libyen et nous ne l’assumerons pas à la place des peuples arabes.

Le problème des Arabes avec l’Amérique est bien clair… le citoyen arabe veut que l’Amérique se range du côté du peuple palestinien. Quant à l’idée d’un Etat en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, c’est une idée rejetée… elle est naïve et ne marche pas ! Il faut créer un seul Etat démocratique, démanteler l’arsenal nucléaire israélien, rapatrier les refugiés palestiniens – ce n’est pas le règlement de la question des refugiés, mais leur retour, leur droit au retour, car il est possible de les liquider, ou de les égorger et dire ensuite que la question est réglée. Les choses doivent être claires.

Notre avis sur ce sujet est contenu dans le Livre Blanc que nous avons présenté au monde. Un appel à la création d’un seul Etat démocratique ou cohabite juifs et arabes, comme c’est le cas aujourd’hui au Liban ou en Afrique du Sud.

L’Amérique ne doit pas suivre le mirage.

Obama ne doit pas marcher dans les labyrinthes empruntés par les anciens gouvernants américains qui ont impliqué l’Amérique au Vietnam, en Irak et en Afghanistan et que celle-ci est devenue une cible pour les terroristes, elle est pourchassée et honnie partout.

En tout cas, s’il veut conduire l’Amérique à la paix et devenir l’ami des peuples et se protéger des attaques terroristes, être à l’abri de violentes réactions mondiales, il doit modifier la politique internationale américaine notamment à l’égard des Arabes. Il doit remettre en cause la politique américaine car les congrès et les accords ont échoué.

On avait dit que « l’étable de David » devait résoudre tous les problèmes. Après « l’étable de David » signé par Sadate, nous avons vu ce qui s’est passé : de milliers de martyrs et de milliers de morts des deux côtés. Ensuite, on nous a parlé de la Conférence de Madrid ; cette conférence qui devait résoudre les problèmes après l’échec de « l’étable de David » tenue entre les plus hauts responsables palestinien et israélien à laquelle même Bégin avait pris part. On avait dit que c’est la première conférence entre responsables arabes et israéliens de haut niveau sous le parapluie international. Après des discussions et des discours, la conférence de Madrid s’était achevée sans résultat. Les choses ont continué comme avant « l’Etable de David » et avant « Madrid ». Puis on nous a présenté « Oslo », en disant c’est bon, il n’y a plus de problèmes entre Palestiniens et Israéliens.

Abou Mezen a conduit des négociations, mais rien n’a changé. C’est davantage de terreurs pour les Israéliens même. Ils ont subi des missiles du Hezbollah et l’action des Fédayins. Ils n’ont pas vécu et ne vivront pas en sécurité de cette manière.

Après c’était le tour de la conférence «d’Annapolis ». Là-aussi, on a dit, c’est la solution définitive. Mais rien n’a changé.

Pour permettre à Obama d’éviter d’emprunter les voies de ces politiques perdantes adoptées par ses prédécesseurs, la politique des conférences qui appellent à créer deux Etats, un palestinien et un autre israélien vivant côte à côte, chose qui est impossible car nous l’avons expérimentée, il n’y a qu’une seule solution, celle d’un seul Etat démocratique.

S’il veut mettre fin à la haine arabe envers l’Amérique, qu’il modifie cette politique au lieu de ruminer les théories révolues qui ont montré leur limite.

Il faut dire qu’il y a trois Etats côte à côte : Gaza, la Cisjordanie et l’Israël actuel. Nous ne pourrions plus parler de deux Etats. Il se peut que la Cisjordanie ou l’autorité palestinienne soit sur le chemin de négociation et peut-être que Gaza emprunte actuellement la voie de la guerre ; ce qui rendrait possible l’accord avec l’un et un désaccord avec l’autre. Donc, même l’histoire de la solution à deux Etats vivant côte à côte n’existera plus. La réalité sera tout autre. Donc aujourd’hui, nous avons trois Etats.

La solution réside dans la prise de position américaine au côté du peuple palestinien pour le retour de ses refugiés. En ce qui nous concerne, si les Palestiniens retournent chez-eux, et si on procède au démantèlement de l’arsenal nucléaire israélien, il n’y aurait plus de problème car les Arabes ne peuvent pas vivre dans l’ombre des missiles nucléaires israéliens même après le règlement de la question de la Palestine.

Il n’est pas possible que les Arabes soient désarmés et qu’au cœur de ses territoires un Etat ennemi détienne des armes de destruction massive. Je pense qu’Obama comprend bien cela, mais hélas, je crois, chaque président américain a peur des juifs.

Moi, personnellement, j’ai dit plusieurs fois que je crains une action des juifs contre la vie d’Obama. Il pourrait que sa fin soit identique à celle de Kennedy, qui a décidé d’inspecter sur les réacteurs de Dimona, ce qui fut la cause de sa mort.

J’ai évoqué cette question aux Nations-Unies et j’ai cité des noms. Peut-être que Barack Obama – Barack Hussein Obama, c’est son vrai nom– subira le même sort. Bien sûr j’ai peur pour lui des Israéliens précisément. Nous prions pour lui car il est notre fils, le fils de l’Afrique. Mais il peut avoir du zèle et décider de l’inspection des réacteurs de Dimona. Il faut se débarrasser des armes de destruction massive.

Les Arabes doivent refuser la paix qui ne s’accompagne pas du démantèlement des réacteurs de Dimona. Tous les pays de la région doivent être désarmés sinon tous les pays du Moyen-Orient doivent entrer dans une phase d’armement nucléaire et ce serait de leur droit.

C’est ce que j’ai voulu dire en général à propos du peuple libyen, du peuple américain et de l’état de relations entre ces différents peuples. Nous attendons voir ce que va faire l’Amérique, la balle est dans son camp. Nous avons confiance en notre fils, nous allons l’aider et le soutenir s’il continue sur la voie de ses politiques pacifistes, raisonnable et sages.

Que Dieu soit loué ! Bonne santé et meilleurs vœux.

Loi sur la Burka : bienvenue dans un État policier, autoritaire, répressif et islamophobe.

Par Samuel Métairie
sam-articles.over-blog.com
Mercredi 5 mai 2010


Au royaume de la honte, l’obscurantisme est roi. Le régime de Vichy n’aurait peut-être pas fait mieux en termes de performance médiatique. Nous savions déjà que l’État providence et les libertés individuelles s’amenuisaient au fur et à mesure que le processus de globalisation se poursuit. Plus nombreux sont ceux à se rendre compte que notre pays est devenu en peu de temps un espace où l’on a peur de la police bientôt privatisée, des arrestations arbitraires, et de leur abus de pouvoir. Ce printemps 2010 est placé sous l’obole de la honte internationale et marque la mort de l’État laïque.

1 - Journalisme de faits divers, rentabilité actionnariale, propagande et consorts, objectifs : noyé la réalité sociale dans l’idéologie dominante.

Depuis plusieurs années déjà, le pouvoir politique profite de la propagande proférée par les journalistes du fait divers pour faire passer en tout impunité ses lois discriminatoires. Un organisme de presse choisit de médiatiser un accident de la route, où une voiture aurait renversé des gens, le gouvernement projette de limiter la vitesse sur tout le territoire. Un taré viole une femme, et voila que l’on ressort les vieux dossiers de la castration chimique, voire, pourquoi pas tant qu’on y est, chercher « le gêne délinquant chez les bébés ». Certes c’est un crime ignoble, mais il y a deux poids deux mesures. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre !

Désormais, à chaque fait divers correspond une loi, comme si les deux complotaient ensemble : le gouvernement, du moins le cortège d’hommes d’affaires déguisés en hommes politiques veulent serrer la vis pour enfermer les libertés du peuple dans un cercueil et combler ses vices oligarchiques, il suffit alors aux services médiatiques de la communication publique d’orienter la propagande pour obtenir l’assentiment des électeurs-lecteurs.

La polémique enfle, branle-bas de combat au bal des courtisans du royaume, les sinistres du gouvernement prennent le micro pour communiquer leurs réactions, donner l’impression qu’ils agissent pour l’intérêt général là où leurs lois s’appliqueront à des minorités. Presse et pouvoir marchent ensemble, l’État se targue de ne plus avoir le monopole étatique sur l’information, mais les camarades financiers de l’actionnaire majoritaire de l’entreprise France sont tous à la tête des grosses entreprises de presse, et les journalistes ensuite vomissent à tour de gorge leur « liberté de la presse » pour cacher l’autocensure sur les sujets non rentables qui fâchent… Et les choses s’accélèrent.

Nous sommes tous éberlués devant la rapidité de transmission des données, noyés dans un océan d’informations finement sélectionnées par les médias, qui nous empêchent de réfléchir sur le fond des choses. La loi sur le port du voile intégral en est un bel exemple.

Moi qui pensait que le faux débat public sur l’identité nationale lancé en octobre 2009 était une stratégie électorale pour les régionales en piquant les voix du FN, c’était une erreur. C’était juste le lancement de la course pour 2012. Tout est programmé au planning de la guerre des idées. Identité nationale, immigration, polémique sur les minarets suite au référendum Suisse, loi discriminatoire sur le voile intégral, d’abord dans les services publics, puis partout…c’est à se demander ce qu’ils vont être capable de faire avaler pendant ces deux années à venir. La politique, c’est comme une série télévisée : chacun attend l’épisode suivant, que va-t-il se passer dans l’affaire de la conductrice portant un niqab, et il faut dire que jamais nous n’avions pu observer tel scénario.

Les services de communication à l’Élysée sont très prolifiques en matière d’imagination, et feraient de bons metteurs en scène. Bref, tout est monté en épingle, de telle manière que les successions de faits divers, de lois et de polémiques, de propos volontairement manipulant à caractère racistes, alimentent l’amalgame autour de l’islamophobie à la française. Les gens qui gobent ce discours volontaire de peste brune digne des années 1940 à Vichy, font alors le mélange entre une personne d’origine maghrébine qui pourtant née en France, est considérée comme devant faire ses preuves d’intégration dans son pays.

On assimile sans distinction un arabe à un délinquant des banlieues, sans se pencher sur la cause sociale du problème des banlieues, et sans voir que les propos racistes proférés par les politiques sont finement calculés en fonction de cette stratégie. Cette rhétorique de la haine islamique n’est que de la communication, et n’augure rien de bon.

2 - La burka, ou l’aubaine d’un fait divers pour masquer la création de la misère en arrière cour

Le gouvernement français va imposer l’interdiction du port du voile intégral dans tout l’espace public. Soit. Rien ne sert de tomber dans la critique pure et dure de cette mesure pour le fait qu’elle est l’initiative d’un gouvernement de droite extrême.

Il est vrai que porter le voile est une marque d’endoctrinement énorme et de soumission intolérable des femmes à une tradition religieuse qu’un pays soi-disant laïque n’a pas à tolérer.

Disons que lorsque je croise une femme voilée de la tête aux pieds dans la rue, même en plein été sous un soleil de plomb et 35°, j’ai quand même envie de lui retirer tout ça, de lui botter les fesses comme on dit, et de mettre une bombe sur tous ces édifices et institutions religieuses quels qu’ils soient (églises, mosquées, synagogues etc.).

Mais j’aimerais qu’on me dise quel est l’intérêt de faire cette loi dans l’urgence, comme si l’intégrité de la société était menacée soudainement par une invasion de « barbares » venus du sud…

La stratégie est claire à mon sens, pour les médias et les milieux du pouvoir : faire croire que la France ou l’Europe du XXIème siècle est encore menacée par les questions identitaires et les guerres de religion dignes du XIIIème siècle. Et si l’objectif était de préparer, telle une commission Creel (1917 aux États-Unis, propagande pour obtenir le consentement du peuple à rentrer en guerre sur le front des Ardennes), l’invasion de l’Iran par l’OTAN ? On ne peut que spéculer mentalement sur cette théorie du complot, mais depuis 2007, ensemble tout est possible…

En tout cas, cette stratégie de la peur islamique fonctionne à merveille, à en croire les sondages qui pullulent. Récemment, un sondage d’opinion relatait que 63% des français étaient pour l’interdiction du voile intégral dans les services publics, légitimant le commerce du pouvoir politique. Voyez comment tout cela est dénué de sens : premièrement, on ne peut que douter de l’efficacité des sondages, lorsque ces instituts d’enquêtes d’opinion sont dirigés par des hommes d’affaires, dont la chef du Medef (Ifop) et des industriels français, et dont la méthode est loin d’être sociologique. Deuxièmement, l’on demande à des gens dans la rue, s’ils sont pour ou contre le port de la burka, encore une fois, sans se pencher sur l’aspect social de la mesure. Évidemment que l’on répond que l’on est contre, je pourrais d’ailleurs dire que je suis favorable à cette loi.

Le problème, c’est qu’elle est un moyen supplémentaire de stigmatisation des populations musulmanes françaises, et une instrumentalisation politique au service de la peur sociale envenimée en vue des élections de 2012. Les populistes qui matraquent la nécessité de cette soudaine loi ne vont réussir qu’à faire monter des tensions sociales déjà bien trop perceptibles.

D’une part, on peut douter de la légitimité d’une loi s’adressant à seulement deux ou trois mille femmes en France. On peut parler de la règle de droit générale, impersonnelle et coercitive lorsque la loi s’adresse à tout le monde, pas à une catégorie de personnes. Pourquoi ne pas interdire tout simplement tous signes religieux quels qu’ils soient ? L’État criminalise le port du voile islamique, mais pas celui des bonnes-sœurs, ni les signes religieux portés par les juifs.

Rien non plus sur les soutanes des curés qui eux, ne sont pas poursuivis en errant sur l’espace public laïque. Je sais que je m’attire les foudres de certains en écrivant ceci, mais si nous étions dans un État laïque et démocratique, cette législation s’appliquerait à toute religion si vraiment l’objectif défendu était les valeurs républicaines. Quoi qu’il en soit, le projet de loi stipule que "nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage". En gros, tout individu qui portera un voile, ou quelque chose qui masque le visage, sera placé pendant un an en prison. En extrapolant un petit peu, est-ce qu’en hiver, si je mets une capuche pour me protéger de la pluie, une écharpe jusqu’au nez à cause du gel, et que je porte des lunettes à cause d’une faible vue, je tomberai sous le coup de la loi qui interdit de cacher son visage, dans un pays où la réflexion et la tempérance de certains agents policiers laissent à désirer ? Si je me déguise pour le carnaval, et qu’on ne voit pas mes yeux, ou si j’enfile un masque dans la rue lors d’une manifestation quelconque, alors je peux être condamné à une peine de prison et à cent cinquante euros d’amende ? La formulation de cette loi, et sa portée à tout l’espace public paraît dangereuse.

La loi est censée protéger les droits de la femme et le respect de la dignité humaine, mais avec toute ce lavage médiatique de cerveau anti islamique, j’ai comme la crainte que les femmes qui continueront par provocation de porter le voile intégral ne seront pas à l’abri des violences policières, dans l’ombre des cellules de garde à vue, leur parole contre celle du justiciable.

L’autorité publique et ses valets savent qu’en jouant sur ce sentiment communément partagé d’atteinte à la dignité de la femme, la loi permettra de créer de nouvelles interpellations, un renforcement du dispositif policier déjà relativement conséquent dans les villes, de nouvelles recettes pour l’État. Aujourd’hui la burka, et demain ? L’interdiction de s’embrasser dans l’espace public, l’interdiction des groupes de plus de quatre personnes ? De fumer dans la rue ? Il faudra beaucoup plus de mises à l’amende pour construire les prisons nécessaires à l’enfermement systématique et futur du citoyen.

Il serait grand temps que les hommes politiques pensent que l’interdiction, la coercition, et la répression ne mènent qu’à l’escalade des tensions : c’est comme pénaliser le commerce de cannabis, cela donne encore plus envie aux mômes d’en acheter en cachette, ou d’en faire pousser, les autorités renforcent alors les dispositifs policiers. Une loi, plus d’infractions, et plus de répression en retour, d’où la création par l’autorité publique des tensions sociales.

Me direz-vous, c’est l’objectif recherché : créer de la délinquance, inciter le citoyen soit à verrouiller sous clé son propre périmètre d’action par peur des sanctions ou par autocontrôle permanent, soit enfermer ceux qui ne sont pas assez dociles et qui refusent de se soumettre. Le traitement médiatique de la burka permet d’occulter les sujets importants qu’il ne faut surtout pas révéler à la société civile. Tout le monde s’enflamme pour savoir s’il faut l’interdire, ou la limiter, la réprimer partout ou seulement dans les services publics. Mais on oublie trop souvent que de plus en plus de gens qui approchent aujourd’hui les soixante ans, n’ont pas de pensions de retraite, même en ayant travaillé pendant quarante ans, sont obligés pour se nourrir ou se soigner de pomper sur ce qu’ils ont épargné toute leur vie, ou de continuer à travailler…« au noir ».

Merci, gentille burka de nous faire oublier ces petits tracas de la vie quotidienne au bal de la misère ambiante !

Après un mois d’obsession médiatique, l’on nous vend cette islamophobie pour que le lecteur oublie les politiques économiques drastiques de l’État faites depuis 2007 et 2008 pour flatter le grand capital, l’actionnariat, le patronat, permettre les rentes abyssales des banques. Pour qu’on oublie que nous sommes tous des futurs chômeurs potentiels sur un marché où les salaires sont gelés depuis des années. Pour qu’on ne voit pas, en ce 1er mai, journée traditionnelle de mobilisation sociale, que le FMI s’attaque à nouveau à l’Europe, avec pour toile de fond davantage l’asservissement des peuples même dans les pays riches plutôt qu’un « plan d’aide » à la Grèce... (Les prochains rendez-vous du FMI : Espagne, Portugal, Italie, France, Royaume-Uni, Allemagne ?)

Ce genre de matraquage idéologique, culturel, identitaire et stratégique à propos de la burka, tel que nous en avons en permanence, permet de faire oublier que dans une poignée de mois, ce qui reste de service public en France (et en Europe) sera privatisé, racheté par des mercenaires du type Veolia, Bouygues, ou Suez, etc. Enfin, cela permet de fermer les yeux sur le mythe d’un déficit de la sécurité sociale, du déficit public impliquant restriction budgétaire, sur la hausse significative du taux de chômage, de la précarité qui s’en suit, sur le saignement à blanc des politiques sociales en continu. Tous ces faux problèmes, que l’État pourrait gérer en reprenant son rôle interventionniste, qui ne cessent de faire des ravages au sein des opinions publiques formatées par l’Empire de la pensée unique. À quand sa chute?