lundi 24 août 2009

L’Union africaine est-elle une organisation africaine pour les Africains ?


Une critique de Gilbert Rocheteau.
24 août 2009


Les Africains d’ici le 9 septembre prochain doivent commémorer le 9/9/1999 qui marque le 10ème anniversaire de la création de l’Union africaine, cette supra-organisation supposée accompagner le continent vers la voie de son intégration totale.


L’inquiétude est de plus en plus grandissante quant à la capacité de la plus grande organisation africaine de conduire les grands chantiers que constituent l’alternance et la bonne gouvernance et de maitriser les politiques qu’elle met en place pour sortir le continent de sa situation de sous-développement. Le peuple africain vraisemblablement a du mal à comprendre ce que fait l’UA, qu’est-ce qu’elle a apporté en dix années d’existence ou qu’est-ce qui la différencie de la défunte OUA (Organisation de l’Unité africaine).

Mouammar Al Kadhafi, Le guide de la révolution libyenne a en 1999 impulsé un nouveau souffle à l’Afrique, au peuple africain en réhabilitant le rêve du panafricaniste l’Osagyefo Kwame Nkrumah pour la création des Etats-Unis d’Afrique. Cette impulsion avait suscité tout un grand espoir et un émoi au milieu des Africains de tout bord et la jeunesse toute entière avec les intellectuels et la diaspora africaine s’étaient résolus à faire avancer le continent le plus rapidement possible vers la porte du salut donc vers la porte des Etats-Unis d’Afrique sous le signe d’un seul continent un seul pays, une monnaie unique, un document officiel unique (à l’exemple du passeport unique) et les frontières territoriales du Congrès de Berlin débarrassées de la carte d’Afrique. Chaque africain se sentait désormais comme partie prenante de la chose africaine, ce qui était par-dessus tout un grand atout que le continent n’avait jamais acquis depuis les années après les indépendances.

Dix ans après, le rêve semble s’estomper. L’Afrique est démobilisée et l’Organisation africaine qu’affectionnaient déjà les peuples d’Afrique ne semble plus qu’être la sœur jumelle de la défunte OUA. Et les raisons sont multiples ;

Primo, l’Union africaine n’appartient plus aux Africains.

Parti de Syrte en Libye le 9 septembre 1999 jusqu’à Durban le 10 juillet 2002 où elle a officiellement été lancée, l’UA a suivi son parcours sans l’adhésion et sans la participation des peuples africains. Certes, certains vont trouver en cette affirmation une contestation mais ce qui est conséquent c’est qu’une partie du peuple africain n’a véritablement été informée de l’union et de ce qu’elle pouvait apporter, qu’à travers les campagnes du Guide de la révolution libyenne lors ses voyages entre les forêts, les savanes et les déserts africains pour expliquer sa vision pour l’Afrique de demain en soutien aux idéaux des martyrs tels Nkrumah, Sankara, Sékou Touré, Patrick Lumumba, et etc.

L’UA est donc née du colonel Kadhafi, son inspiration et sa vision étaient soutenues et défendues par tous les peuples c’est-à-dire la jeunesse, les intellectuels et la diaspora africaine mais très tôt, celles-ci ont été mises en déroute par le collège des despotes africains qui trouvaient déjà en cette initiative, une tentative de les déposséder des richesses du sous-sol et de leurs trônes.

La charte constitutive de l’UA est illustrative à cet effet. Aucun de ses articles ne consacre aucune prorogative au peuple africain. Celui-ci n’est ni consulté pour des décisions, ni consulter pour donner un avis ou même consulter pour choisir ou élire des personnes ou personnalités devant siéger en son sein. Tout part des chefs d’Etat et de gouvernement et tout revient sur eux. Ainsi, le peuple africain n’est consulté que lorsqu’il s’agit d’organiser des groupes folkloriques pour accueillir les présidents du conseil d’administration de l’UA « lors de leurs assemblées générales ». Le destin de l’Afrique n’est pas entre les mains des Africains comme le souhaitait Kadhafi mais repose sur le bon vouloir de 53 chefs d’Etat et de gouvernement.

Secundo, l’Union africaine est une organisation folklorique.

Depuis sa création, on entend parler de l’Union africaine que lorsqu’elle organise ses conférences ou lorsqu’elle va en suiviste dans des conférences organisées par d’autres organisations internationales comme elle, avec l’Union européenne, la francophonie, etc. ou dans des conférences organisées par des pays comme la France, la Chine, etc. On n’a jamais vu l’inverse !

En dix années d’existence, l’UA n’a pas poussé un seul cri à l’international comme au niveau continental sur des sujets d’intérêt qui touchent à la légitimé de l’Afrique, à sa révolution scientifique et technologique, à sa notoriété politique et diplomatique.

A l’image de ses fondateurs, elle fait tout pour éviter des sujets qui ne plaisent pas aux colonisateurs. Tout est tabou ou remis à demain, dans un ou dans trois siècles. Les questions fondamentales qui unissent l’opinion plurielle des peuples africains sont excluent du langage de l’union; la question de souveraineté, de l’identité commune, de la monnaie commune, de la centralisation des richesses naturelle et minière continentales, de la légitimité des gouvernants, etc.

L’Afrique, surnommé continent le plus pauvre au monde, continent de misère, est le seul continent où sa supra-organisation organise ses sommets avec des budgets qui dépassent de loin l’imagination. C’est la seule organisation au monde qui, lors de ses travaux effectifs, invitent tous les autres chefs d’état du monde à prendre part à ses travaux.

A titre d’exemple ; aucune conférence africaine organisée par l’UA ne s’est effectuée sans la présence d’une délégation de l’Union européenne, de la banque mondiale, du FMI, des gouvernements occidentaux, etc. On assiste toujours au ballet diplomatique, à la parade du protocole. C’est la seule et unique organisation qui organise ses conférences en permettant à chaque chef d’état d’y prendre part avec une délégation pléthorique, un avion spécial avec à son bord des participants au nombre inimaginable.

Organisation folklorique, ses rencontres sont toujours à échelle graduelle : une réunion des experts, une réunion des ambassadeurs, un conseil des ministres et une conférence des chefs d’état et de gouvernement. Voila l’Afrique qui navigue à vue depuis une décennie entre la fanfaronnade et le destin des peuples africains.

Tercio, l’obscurantisme de l’Union africaine.

L’Union africaine qui était supposée être une organisation dépouillée de tout obscurantisme dans la gestion de ses affaires semble être par-dessus tout, l’organisation la plus obscure du continent.

Le peuple africain aurait attendu qu’elle dévoile chaque année les cotisations des états-membre, qu’elle mette à sa disposition son budget annuel, explique ses comptes, donne des informations sur ses cadres et rende public le tableau de rémunération de ceux-ci à l’image des autres organisations internationales. Rien n’est fait pour que les Africains sachent ce qui se passe en son sein.

Quarto, l’UA est la sœur jumelle de l’OUA (à quelques exceptions près).

Le vent de la démocratie qui avait secoué le continent au cours des années 90 était un levier accompagnateur qui devait sous-tendre l’action de l’UA naissante. La pression mécanique du système démocratique importé qui favorisait la pratique électorale donc les élections pour designer des personnes qui devaient assurer la conduite de la chose publique entrait dans la même dynamique pour faire oublier au demeurant, les frasques des dictatures des années OUA. Malheureusement, ce ne fut qu’un leurre. Ce vent de la démocratie n’avait rien à voir avec l’esprit égoïste, machiavélique et sanguinaire qui caractérise en gros modo l’homme politique africain, prêt à tout pour protéger sa chaise.

Les dictatures de l’OUA ont su trouver la juste manière de transcender cette pression mécanique et faire perdurer jusqu’à ce jour l’ombre de l’OUA. Des élections n’ont servi à rien sauf à creuser le fossé entre le peuple administré et les administrateurs (le gouvernement), à légitimer la guerre et à détériorer l’image de l’Afrique.

Comme à l’OUA, aucune instance de l’UA – de la commission de l’union africaine, du parlement panafricain, du conseil de paix et de sécurité, etc. - ne requiert l’approbation du peuple africain. Certains africains ne savent qu’il existe un parlement que lorsque celui annonce qu’elle tient sa session, d’autres ne savent même pas qu’il existe. Ne demandons pas comment elle fonctionne… ne demandons pas non plus qu’est-ce que le peuple africain sait des autres instances de l’UA.

Comme à l’OUA, les pères présidents en mourant ont légué leur siège à leur fils ; qu’il soit fils biologique ou spirituel, ça ne change pas grand-chose… à l’exception de quelques cas.

Comme à l’OUA, les élections n’ont rien apporté de nouveau. Au contraire, elles ont permis la justification de l’exploitation tous-azimuts et illicite des richesses africaines. Elles ont permis de mettre en place un mécanisme « pacifiquement démocratique» qui consiste à organiser des élections pour choisir la personne la mieux indiquée pour protéger les intérêts des colons et des puissances impérialistes, et par-là aussi pour protéger les intérêts d’un clan, d’une tribu, d’un club des amis, etc.

Comme à l’OUA, l’UA pour exister, organiser ses conférences ou financer un projet, attend l’aide financière des autres organisations internationales comme elle, à l’exemple de ce que j’ai évoqué plus haut. Elle attend de l’aide du FMI, de la BM, du trésor américain même pour résoudre un différend qui oppose deux états-membres.

Comme à l’OUA, l’UA laisse les forces étrangères sur le continent, adopte les positions des puissances colonialistes, ne prend aucune position commune en matière de politique internationale, de politique économique, sociale, sanitaire, et même sécuritaire.

On serait toutefois tenté de dire que Mouammar Al Kadhafi se serait lancé dans la gueule du loup en projetant de relever les défis auxquels certains comme lui ont laissé leur peau. L’histoire montre que depuis la traite négrière, ce sont les Africains eux-mêmes qui ont encouragé ce fléau qui a davantage animé le colon à perpétuer son acte et ses actions. L’Afrique ne veut pas décoller parce qu’elle refuse de décoller, parce qu’elle est liquidée sur l’autel des monarques. L’égoïsme, la gloire et la prospérité individuelle prime sur l’intérêt collectif tel et si bien que l’africain est pour l’africain relégué au second plan, au même rang que l’animal sauvage. Il est utilisé pour la campagne électorale contre le sac de riz et quelques boissons comme cela se faisait à l’époque de la traite négrière où les noirs étaient vendus aux blancs contre de la pacotille, du sel, du riz, etc. ; le même mécanisme n’a pas changé plus de quatre siècles après.

Il est d’ores et déjà important que les africains, le peuple africain comme il l’a fait pour soutenir l’action du guide de la révolution libyenne en 99, pensent à changer de stratégies pour créer une organisation continentale cohérente accessible à tous et où sont prioritaires les intérêts généraux et où il existe une transparence. L’UA n’est plus l’espoir tant rêvé par les Africains de tout bord, elle semble être plus une arme contre peut-être contre l’Afrique autrement-dit, contre les africains.